Fiche de danse

Suite Bigoudène

Terroir

Pays Bigouden

Vidéos et musiques

   

Rédacteurs

Cette fiche de danse a été élaborée en 2020 par Solenn Boënnec, Gwenaël Merrer, Gwenn Richard et Rozenn Tanniou d’après l’analyse croisée des films de collectage. Elle est le reflet de leurs connaissances au moment de la rédaction de la fiche. La confédération Kenleur a désigné Solenn Boënnec comme référente de cette suite de danses pour le Répertoire Commun, Gwenaël Merrer, Gwenn Richard et Rozenn Tanniou comme personnes ressources.

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Famille de danse

Gavotte

Structure de la danse

Suite tripartite

Accompagnement traditionnel

Chant
Accordéon chromatique
Clarinette
Couple binioù/bombarde

Forme de la danse

Gavotte

Puis
Cortège de gavotte et  couple de sonneurs  vers 1900. Collection  Musée Bigouden
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Appellation 

Sans appellation ancienne connue, nous appellerons « suite bigoudène » cette forme principale de danse, composée   de trois parties, sur le territoire bigouden.

Ci-contre : carte du pays Bigouden

Situation géographique et historique

Extraits d’Histoire du Pays bigouden, de Serge Duigou et Jean-Michel Le Boulanger, éditions Palantines, 2002.
« Vingt communes forment le Pays bigouden, ce vieux Cap Caval qui bande son arc face à l’océan. Quinze d’entre elles, forte proportion, poursuivent un dialogue millénaire avec les vagues. (...) La mer, frontière de l’ouest, frontière du sud. La mer, en son âpreté, fonde le pays bigouden. À l’est, la rivière, l’Odet et l’anse de Combrit, avec le ruisseau du Corroac’h venant du nord. Tout est simple quand l’eau, salée ou non, marque les limites.
(...) Au nord, la frontière est incertaine. (...) de Kerdalem ou Keraël en Plonéour jusqu’à Rulann en Plogastel, la marche est hésitante, suivant des limites communales rarement évidentes. (...) Mais où donc s’arrête, et où donc commence le pays bigouden ? Voici le Goyen, tout là-haut, pour éphémère extrémité septentrionale. Mais le Goyen n’est pas le Rhin, loin s’en faut. Tout juste un ruisseau quand il prend son élan, trop petit pour délimiter un pays. (...)
Les pays sont les fruits de l’histoire autant que de la géographie. Savant mélange illustré par le pays bigouden, ce cap aux limites incertaines. À l’ouest, au sud, une limite s’impose, sans débat, sans appel, frontière d’évidence : la mer. La géographie dicte sa loi et on ne la discute pas. Au nord, des franges souvent floues, se rassurant seulement en trouvant le lit de quelques ruisseaux. Au nord ouest, Pont-Croix et l’embouchure du Goyen. Pont-Croix, longtemps rivale de Pont-l’Abbé. Deux ports de fond d’estuaires. Deux marchés. Deux villes centres qui tentent de structurer un territoire. Entre elles, comme entre deux aimants, se dessine et fluctue une frontière incertaine, humaine, essentiellement héritée des hasards, des volontés, des hésitations, des rapports de force des générations qui se sont succédées… Là, c’est l’histoire qui décide et la géographie s’incline.
Au fait, le pays bigouden existe-t-il ? Question insolente. Administrativement, à l’époque féodale, le sud du pays dépend de la seigneurie du Pont, ce Pont-l’Abbé, déjà capitale. Le nord est sous l’influence de la seigneurie de Pont-Croix. Deux ponts, deux pays. Deux foires, deux marchés. Deux vies.
Aujourd’hui encore, deux communautés de communes structurent la presqu’île. L’une déborde des frontières et s’adjoint au passage Gourlizon, Plonéis et Guiler-sur- Goyen, l’autre au sud, contre les flots. Ainsi le pays bigouden existe-t-il sans être officiellement reconnu. Le fait est d’évidence quand on sait combien les limites, les frontières sont d’importance.
Le nom « pays bigouden » est récent, on le sait. Il y a bien longtemps, on parlait de Cap Caval. C’était au temps médiéval, quand l’influence maritime, l’ouverture au large, l’ouverture au monde et à tous ses ailleurs, l’emportaient. C’est semble-t-il en 1833 que le mot « bigouden » apparaît. Dans un article du journal Le Finistère, en date du 27 juin 1833, un journaliste relève : « des coiffes rondes, à fond rouge, portées par les blondes Pont-l’Abbistes, et surmontées d’une pointe nommée bigouden, simulant, dit-on, le clocher de leur paroisse. »

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Cortège de couples par De Villeneuve vers 1860. Tous droits réservés.

Informateurs, témoignages et transmission

Aucun informateur direct... L’ensemble des propositions découlent de l’analyse croisée des films de collectages présentant des danseurs issus de la société traditionnelle.
À noter que les témoignages se concentrent sur certains territoires, notamment dans le haut pays bigouden : Plovan, Pouldreuzic, Plozévet et Plogastel. Penmarc’h faisant figure d’exception dans le sud et les films s’y reportant n’apportant que peu de matière, nous nous bornerons à décrire la suite de danse issue du nord du territoire. Il est néanmoins à relever que Jean-Michel Guilcher n’a, semble-t-il, pas constaté de différences notables sur le répertoire dansé en pays bigouden d’une manière générale.

Occasions de danse

Peu d’éléments attestent des occasions réelles de pratique de cette « suite ». Tout laisse à croire qu’il peut s’agir d’occasions courantes tout autant que circonstancielles de danse. Extrait, Les Bigoudens de Pont-l’Abbé et les pêcheurs de Penmarc’h et de la baie d’Audierne, Gabriel Puig de Ritalongi, éditions Libaros, 1894 :
À la campagne, les danses ont lieu l’après-midi en plein air, dans la cour de la ferme et durent jusqu’à la nuit. (…) L’homme fume sa pipe et ne s’occupe que de faire tourner sa danseuse autour de lui par un tour brusque du bras, selon les règles de la danse. Il la quitte où ils se trouvent à la fin du morceau et elle regagne se place toute seule. Une autre solennité du pays est la fête appelée aire neuve, qui a lieu avant la moisson. (…) Les invitations ont été faites longtemps à l’avance (...) les biniou sont retenus et les provisions faites. Au jour-dit, a lieu le repas qui est suivi de danses sur cette terre encore humide de l’aire et ce sont les pas des danseurs qui doivent durcir et rendre plane. Les biniou juchés sur des tonneaux sonnent leurs airs les plus gais et veillent à ce que leurs verres ne soient jamais vides. Le propriétaire de la ferme ouvre la fête en dansant avec la fermière ou avec une de ses filles. Il est le meneur de danse (…) Les couples qui suivent dansent consciencieusement. À ces aires neuves, on n’exécute que des danses du pays. En ville, on ne danse que le soir, dans une salle de l’un ou de l’autre café. Un violon, une clarinette, quelques fois les deux, composent l’orchestre. On y exécute les danses du pays : la gavotte, le bal, le jabadao. On est étonné lorsqu’on assiste à ces danses presque barbares, d’y découvrir une cadence métronomique marquant le temps fort de chaque mesure. Dans une salle de danse, la gavotte est plutôt un pas gymnastique, à tel point que les naturels l’appellent « les grandes manoeuvres », donne un rythme tellement accentué qu’il serait impossible au musicien d’en brouiller la mesure. On danse aussi des polkas, mazurk (sic), valses, scottisch, etc.
Si les Bigoudens ont longtemps conservé leur vestiaire traditionnel, force est de constater qu’ils ont rapidement abandonné le répertoire traditionnel dansé.

Origine et famille de danse

Cette suite de danse fait partie de la très grande et ancienne famille des gavottes, et plus particulièrement des suites du sud-Cornouaille eu égard aux éléments qui la composent.
Outre la suite de gavotte, étaient pratiquées sur les communes littorales les rondes à trois pas, forme de danse qui se retrouve fréquemment sur les côtes françaises. Jean-Michel Guilcher le note pour Kerity (Penmarc’h) et Le Guilvinec. Un film de Dastumerien Bro Glazig existe également sur le sujet, au Guilvinec. Les enquêtes de Dastum en pays bigouden, d’Arnaud Maisonneuve, de Marie-Aline Lagadic, de Michel Colleu et de Pierre-Yves Pétillon relèvent également beaucoup de mentions de ces ronds chantés.
A contrario, aucun film ni mention mettant en lumière des danseurs issus de la société traditionnelle ne témoigne d’une gavotte d’honneur en pays bigouden. Nicole Pochic de Penmarc’h, de même que Viviane Hélias (responsable du cercle de Pont-l’Abbé de 1962 à 1975), ont confié récemment qu’il s’agit très probablement d’une invention des cercles celtiques bigoudens dans les années 1950.

Forme et structure de la danse

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Lostig al louarn à  Sainte-Marine en  1911. Collection  Musée départemental  du Finistère

Il s’agit d’une suite réglée à trois termes :
• la gavotte
• le deuxième terme (aller-retour)
• le dernier terme (ronde à permutation)
La suite se termine parfois par une ou plusieurs dansesjeux : stoupig et jibidi. Lostig al louarn (la queue du renard), danse peu connue, est très intéressante puisqu’elle replace les danseurs bigoudens en gavotte, pratiquée en chaîne longue. Les bras sont plutôt ballants, la chaîne circule
le plus rapidement possible, le jeu étant de faire en sorte que les derniers soient décrochés de celle-ci. Elle pourrait apparaître comme une réminiscence de la forme ancienne, en chaîne, de la gavotte. La gavotte bigoudène se pratique uniquement en cortège de couples et ce depuis, au moins, le mitan du XIXe siècle.
Récit d’une fête près de Pont-l’Abbé, extrait de Par les champs et par les grèves, Maxime Du Camp - Gustave Flaubert, 1847 : Ce soir même, nous allâmes, dans un village des environs, voir l’inauguration d’une aire à battre. Deux joueurs de biniou, montés sur le mur de la cour, poussaient sans discontinuer le souffle criard de leur instrument, au son duquel couraient au petit trot, en se suivant à la queue du loup, deux longues files* qui revenaient sur ellesmêmes, tournaient, se coupaient et se renouaient à intervalles inégaux. Les pas lourds battaient le sol, sans souci de la mesure, tandis que les notes aiguës de la musique se précipitaient l’une sur l’autre dans une monotonie glapissante.
Ceux qui ne voulaient plus danser s’en allaient sans que la danse en fût troublée, et ils rentraient de suite quand ils avaient repris haleine. Pendant près d’une heure que nous considérâmes cet étrange exercice, la foule ne s’arrêta qu’une fois, les musiciens s’étant interrompus pour boire un verre de cidre ; puis, les longues lignes s’ébranlèrent de nouveau et se remirent à tourner. 
*Ed. Charpentier : « deux longues files d’hommes et de femmes qui serpentaient et s’entrecroisaient. Les files revenaient. »
Si les auteurs n’indiquent pas formellement que les danseurs sont en cortège, il semble néanmoins plus facile de s’entrecroiser en cortège de couples qu’en chaîne. Aucun témoignage antérieur ne permet pour l’instant de dater l’apparition de cette pratique par couple. Si les voisins du pays glazig connaissent visiblement la gavotte en couple, ils ne la pratiquent ainsi que lors des concours ou des danses d’honneur.
À l’échelle du très vaste territoire de gavotte, seul le pays bigouden la pratique en cortège de couples dans la société traditionnelle. La forme de la danse est donc ici une vraie singularité. Ce cortège est-il l’aboutissement ultime de la scission d’une chaîne ? Sont-ce les mouvements des couples dans la ronde fermée qui ont entraîné cette formation en cortège ? Aucun état intermédiaire n’a été relevé, si ce n’est cette danse jeu en chaîne longue, lostig al louarn. Les deuxième et troisième parties alternent des balades en ronde fermée (de deux, trois ou quatre couples) et des figures.

LA GAVOTTE, PREMIER TERME DE LA SUITE

Même si plus de vingt-cinq films existent sur la gavotte bigoudène avant les années 1980, nous avons pris le parti de ne traiter ici que ceux qui semblent n’être que du fait de danseurs issus de la société traditionnelle.
Le plus ancien d’entre eux, et peut-être le plus discutable, est celui tourné en 1923 aux Grandes fêtes des Reines de Cornouaille. Même si le contexte est « revivaliste », les danseurs de Plozévet semblent néanmoins tenir leurs pratiques des usages anciens. Suit la très belle mission du Musée National des Arts et Traditions populaires réalisée en 1939 et filmée à Plogastel-Saint-Germain, pour ce qui nous concerne. Jean-Michel Guilcher arrive presque dix ans après, en 1948, et même s’il a collecté sur presque vingt communes en pays bigouden, les films disponibles à la Cinémathèque de Bretagne concernent toujours les mêmes communes : Plogastel et Pouldreuzic ; restent néanmoins ses précieux relevés et analyses dans La tradition populaire de danse en basse bretagne. Nous retrouvons ensuite deux très beaux témoignages filmés par Jean-Marie Bosser, l’un en 1955, toujours à Plogastel et le second tourné encore une fois à Pouldreuzic en 1960. Deux collectes plus tardives terminent cette liste, celle de Viviane Hélias en 1977, toujours à Pouldreuzic et celle de Georges Paugam, tournée en 1980 à Plovan. 

Forme de la danse

Dans l’ensemble des films concernant la pratique de la danse dans la société traditionnelle (1923-1980), lorsque l’espace est restreint, les cortèges de couples circulent souvent dans le sens contraire des aiguilles d’une montre. Sur l’iconographie ancienne, relative plutôt à la fin du XIXe siècle et aux toutes premières années du XXe siècle, les cortèges semblent tourner majoritairement dans l’autre sens. Y a-t-il eu modification du sens de circulation ou sommes nous face à des pratiques relatives à des aires géographiques différentes ? L’iconographie ancienne nous parle-telle plus du sud du territoire ? Quoi qu’il en soit, la question ne se pose pas lorsque l’espace est suffisant : il permet une circulation libre du cortège.
Si rien ne nous renseigne sur la bienséance dans le cortège, l’ordre y semble relativement bien maintenu.

Tenue et mouvement des bras

La manière de se tenir entre l’homme et la femme semble peu codifiée : l’homme tient l’index de la femme avec sa main (formule assez majoritaire), index à index, petit doigt de l’homme et petit doigt de la femme, petit doigt de l’homme et index de la femme, le couple se tient à pleine main, celle de la femme se trouvant alors sous celle de l’homme, la femme donne l’index que l’homme tient à pleine main et bras dessus/dessous comme gavotte en chaîne avec les bras assez loin devant, etc. Les deux bras intérieurs au couple se touchent sur toute la longueur pour certains, pour d’autres seulement les avant-bras. Les bras intérieurs sont presque toujours repliés. Si aucun mouvement général ne se dessine, les petits mouvements et impulsions sont toujours très présents. Le bras libre de l’homme peut être pendant, replié, à la taille ou bien légèrement levé, accompagnant ainsi la dynamique de la danse. Celui de la femme est toujours plus ou moins ballant.

Technique de pas

Si la forme de la danse en pays bigouden est singulière, le pas l’est beaucoup moins. Il s’agit en effet d’une gavotte avec une subdivision en 3 et 4. En fonction des danseurs, la subdivision oscille entre un découpage régulier, légèrement irrégulier ou vraiment irrégulier, avec un temps 3 plus ou moins long. D’une manière générale, la subdivision est légèrement décalée avec un appui du pied gauche un peu plus long au troisième temps.

Cette variante semble être assez fréquemment exécutée par les hommes et dans une moindre mesure par les femmes, mais pas de manière systématique.
Toujours en fonction de l’allant des danseurs, les appuis peuvents être assez souvent dédoublés. Les possibilités sont multiples et semblent être complètement personnelles et plutôt du fait des hommes. En voici quelques exemples :

Le placement des appuis est également plus libre chez les hommes à l’occasion :
Film de Jean-Marie Bosser, 1960 : après une subdivision, un homme jette son pied gauche en avant au temps 5, au temps 6 il reprend appui pied gauche devant le droit légèrement croisé et le pied droit est chassé vers l’arrière, au demi-temps « et » : prise d’élan sur le pied gauche en
diagonale arrière droite, puis prise d’appui au temps 7 le pied droit revenant bien devant. Pour finir, au temps 8, l’homme vient croiser son pied gauche devant la jambe droite ; à noter une vraie élévation du genou gauche au temps 8.
En fonction de l’allant des couples, l’appui droit aux temps 7/8 va de la légère surrection au saut franc. Chez certains couples, le pied gauche aux temps 8/1 est légèrement pointé et allongé vers l’avant, ce n’est cependant pas une généralité. Pour autant, jamais le pied gauche ne marque d’arrêt près du pied droit au temps 8.
Pour finir, il est à noter que quelques hommes et femmes commencent du pied droit et inversent donc, de fait, tous leurs appuis.
La progression du cortège peut être importante mais reste, quoi qu’il en soit, constante, fluide et allante. Malgré les tournés, la circulation se fait toujours sans heurt.

Tournés

Les tournés sont très fréquents et servent bien souvent « aux angles » du cortège. D’une manière générale, ils débutent au temps 1, mais sont assez souvent anticipés aux temps 7/8 lorsque l’homme vient se placer devant sa cavalière. De temps à autre, pour accompagner leur cavalière dans les tournés, les hommes mettent leur main gauche dans le dos de la femme.
Tout comme les subdivisions, les tournés sont personnels et très allants. Ci-après, sept propositions :
1. Très souvent, le garçon se place plutôt face à sa partenaire (il se met dos à la direction de marche) et danse ainsi à reculons devant elle, en arrondissant le bras droit latéralement. Il continue ensuite son tour pour se remettre dans le sens du cortège en l’emmenant
à son côté droit d’une impulsion du bras droit. Il peut tenir de sa main libre la main gauche de sa cavalière lorsqu’il la fait tourner. Très souvent, l’homme vient se placer devant sa cavalière aux temps 7/8 et fait tourner sa cavalière dans le même élan à partir du temps 1, de manière à ce qu’elle soit revenue à sa place à la fin de la subdivision (plusieurs films).
2. La danse du cavalier à reculons est également exécutée pour son seul plaisir au cour d’une progression continue : le garçon se déplace quelques instants dos à la direction de marche, avant de revenir à la gauche de sa partenaire sans la faire tourner (film de Jean- Michel Guilcher).
3. Les partenaires se font face, chacun ayant fait un quart de tour. Le couple se déplace perpendiculairement à la direction de marche du cortège, soit l’homme commence par reculer et donc la femme par avancer, soit l’inverse ; quatre temps dans un sens, quatre temps dans l’autre, tout en suivant la progression du cortège (film de Jean-Michel Guilcher).
4. L’homme fait tourner sa cavalière pour la mettre à sa gauche, le couple progresse positionné ainsi, les deux partenaires dans le sens du cortège, sans changement de main. L’homme fait à nouveau tourner sa cavalière devant lui pour la remettre à sa droite de 5 à 8 ou à partir du temps 1 suivant (film du MNATP, première séquence).
5. Lors d’un changement de direction (à angle droit notamment), l’homme se met dos au cortège (il anticipe un peu ce déplacement en fin de phrase précédente), puis emmène sa cavalière dans son sillage, il se remet face au cortège sans à-coups au moment de la subdivision puis ramène ensuite sa cavalière à côté de lui (film du MNATP, première séquence).
6. L’homme réalise un tourné sur lui-même dans le sens des aiguilles d’une montre vers sa cavalière. Aux premiers temps de la gavotte, l’homme se tourne vers sa cavalière, il est ainsi quasiment de profil à la progression du cortège. Au temps 5, il continue fran chement son tour sur lui-même, tout en chassant sa  jambe gauche vers la gauche et au temps 6 sa jambe  droite vers la droite. Il dédouble ensuite son appui à  gauche au « et ». Il change de main probablement au  temps 5, poursuit son tourné, la lâche un très court
instant avant de lui redonner la main droite (film du  MNATP, seconde séquence). Ce tourné pourrait tout  aussi bien être réalisé sans ce pas particulier.
7. L’homme, tout en restant dans le sens de progression  du cortège et en changeant de main, emmène  sa cavalière devant lui et lui fait faire tout le tour  pour la ramener à sa place initiale. La femme semble  être tenue par le poignet lorsqu’elle se trouve dans
le dos de l’homme. Le cavalier anticipe son tourné  en se décalant légèrement vers la gauche aux temps  7/8 et commence à emmener sa cavalière devant lui.  Aux temps 3 et 4, la femme sera derrière son cavalier.  À noter qu’à ce moment-là l’homme poursuit  largement sa progression, sans attendre sa cavalière.  Elle n’arrivera à le rejoindre qu’à la fin des huit temps  (film du MNATP, seconde séquence).

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Tourné en gavotte bigoudène vers 1880. Collection Musée de Bretagne

Style

Le style semble varier d’un film à l’autre sans que l’âge des danseurs n’ait d’incidence. Il se fait parfois très rebondissant chez les hommes, parfois relativement plat. Quoi qu’il en soit, il est toujours souple, léger. À noter néanmoins qu’il n’y a pas d’élévation de genoux. Très rarement, sur un ou deux pas masculins personnels, une élévation marquée du genou gauche au temps 8 notamment est relevée, mais cela reste tout à fait exceptionnel. Sur le film de 1939, le travail de suspension est flagrant. La danse y est particulièrement bondissante et la progression du cortège, vive.

LE DEUXIÈME TERME

Comment s’enchaînent la gavotte et ce deuxième terme ?
Un petit appel à la danse paraît se dessiner sur un des films, tout du moins voit-on des danseurs, déjà en ronde, marcher tranquillement en tout début de deuxième terme.

Appellation

Cette deuxième partie de la suite est appelée bal ou jabadao en fonction des lieux de recherches et des personnes collectées en pays bigouden par Jean-Michel Guilcher. Jean-Michel Guilcher : 

En Haute-Cornouaille le bal sert  d’intermède entre deux rondes identiques, gavotte ou  dans plin suivant le lieu. Il est un repos entre deux danses  fatigantes. Le nom de dañs diskuiz (danse de repos) qui  est souvent donné le souligne. Il arrive qu’une autre danse  se substitue passagèrement à lui dans ce rôle d’intermède  et fasse office de bal. D’où une double acception du mot.  D’une part il désigne une danse en particulier. D’autre part  il désigne une fonction. (...)  Au voisinage de la Basse-Cornouaille la danse de remplacement  est parfois un bal à huit, ou une ronde avant-arrière.  En Basse-Cornouaille, la suite réglée traditionnelle a  également comporté deux danses, gavotte et bal. Tel est  encore le groupement fondamental dans la plus grande  étendue du territoire. Néanmoins dans une vaste région  centrale qui correspond grossièrement aux pays de Quimper-  Châteaulin, tout souvenir de bal est aujourd’hui à peu  près disparu. C’est un jabadao que les vieilles gens euxmêmes  ont connu comme second et dernier terme de la  suite. Il a remplacé peu après 1880, le « bal à deux » dont  témoignent les textes du XIXe siècle.

Ainsi nous désignerons comme « deuxième terme » plutôt que « bal », cette danse en ronde se déroulant juste après la gavotte en cortège, puisqu’elle semble relever plus de la contredanse que du bal « défatigant » (bal venant du breton bale qui signifie marcher). Sa figure est constituée de trajets de va-et-vient de quatre temps.

Forme de la danse

La balade se danse toujours en ronde fermée, généralement de quatre couples, et à défaut, de trois voire deux couples, a priori pendant deux fois huit temps. Dans la seconde partie, la ronde se scinde pour laisser la place aux couples, très probablement pendant quatre fois huit temps.

Tenue et mouvement des bras

Bien que se tenant par les doigts - souvent index de la femme et petit doigt de l’homme - les danseurs laissent les bras en bas et ne les balancent pas. Pendant la figure, les bras resteront très souples et portés à hauteur de poitrine.

Technique, style et dessin de la danse

Dans les sources les plus anciennes

Malgré les cinq extraits de films, le pas des danseurs pour la première partie reste très flou. Il se peut qu’il s’agisse de gavotte aussi bien que de marche allante, au tempo, peut-être même les deux en même temps. Sur la vidéo de 1939, une gavotte avec une subdivision en 3 et 4, identique au premier terme, semble néanmoins de rigueur  pour tous, à l’exception d’un homme qui paraît marcher.  Les danseurs sont nettement orientés vers la gauche,  presque les uns derrière les autres. Sur ce même film, la  ronde progresse et réalise environ ¾ de tour lors de la  balade.

À noter que les danseurs terminent la balade sur les 5/6/7/8, toujours en ronde fermée, en se resserrant vers le centre de la ronde et en montant les mains vers le haut (les bras ne sont pas du tout tendus).
Pendant la figure, la ronde s’écarte et se resserre tous les quatre temps, sans jamais cesser de tourner. Elle progressera environ d’un demi-tour pendant les quatre fois huit temps de la figure. La ronde commence par reculer de sorte que les temps 8 se passent au centre. Elle se scinde en couples au début de la figure, en reculant franchement. Les danseurs ne se lâcheront néanmoins les doigts qu’au moment où ils sont trop écartés pour maintenir l’accroche. Les femmes comme les hommes font clairement un pas de gavotte avec une subdivision en 3 et 4.
Dans les versions filmées à Plogastel-Saint-Germain en 1939 et à Pouldreuzic en 1960, les rondes sont formées de quatre couples. Les femmes se retournent franchement vers leur cavalier, elles sont presque tournées vers l’extérieur de 1 à 4 ; de fait au temps 2, le pied droit passe vraiment devant le pied gauche. De même pour les hommes, ils se retournent franchement vers leur cavalière de 1 à 4. Au temps 1, l’appui gauche semble se faire plutôt derrière le pied droit ou à l’assemblée. De 4 à 8, à Plogastel, ils ne se mettent pas vraiment face à leur contre-cavalière, mais sont néanmoins légèrement tournés vers la gauche. À Pouldreuzic, ils reviennent tous face au centre. Dès le temps 1 de la quatrième fois 8 temps, la ronde se reforme (tout le monde se raccroche), même si elle s’écarte encore pendant quatre temps. Aux quatre derniers temps de la figure, les danseurs se remettent dans le sens de la marche et poursuivent leur gavotte de sorte qu’il n’y aura aucune rupture visuelle au moment de la balade.
Plusieurs danseurs, hommes comme femmes, dansent toute la figure à contre-pied. Comment font-ils pour la balade ? Les films ne le montrent pas.

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Deuxième ou  troisième terme vers  1925. Collection   Musée Bigouden

Le pas des hommes dans la figure

Chez les hommes, le pas peut être très aérien, tout en suspension, avec des appuis et une géographie plus libres. Exemple de l’un des hommes de la mission 1939 : au premier temps, il démarre donc sa gavotte pied gauche derrière le droit tout en commençant à se retourner vers sa cavalière. Parfois, il va dédoubler cet appui (1 et), l’appui droit au temps 2 lui permet de poursuivre sa trajectoire vers l’extérieur de la ronde. La subdivision est souvent retardée. Pendant le troisième temps, il en profite pour lancer légèrement son pied droit vers le côté droit, dans une espèce de petit moulinet (pas dreñv), de sorte que pendant la subdivision son pied droit sera presque derrière le gauche. Pendant ce temps, le corps est légèrement en déséquilibre vers la gauche. Au temps 5, le pied droit ira se poser largement derrière le pied gauche. L’appui gauche au temps 6 lui permet de poursuivre sa trajectoire vers l’intérieur. Cet appui peut également être dédoublé à l’occasion (6 et). Appui droit aux temps 7, 8. Ce même danseur posera son pied gauche complètement à plat, en ouverture gauche, au temps 8 avant de le relever directement à ce même temps.

Exemple de l’un des hommes, tiré du film de Jean-Marie Bosser, 1960 : les appuis sont toujours, somme toute, habituels, seuls quelques « non-appuis » diffèrent. L’homme lance notamment sa jambe gauche franchement vers la gauche au temps 5, presque dans un mouvement de pas chassé. De la même manière qu’il va le lancer au temps 8 pour venir également le poser à plat à l’avant gauche. La subdivision est toujours un peu retardée et sert toujours le déplacement.

Dans les sources les plus récentes

Dans les collectages les plus tardifs, en 1977 à Pouldreuzic et en 1980 à Plovan, les effectifs sont plus flottants : de nombreuses personnes en 1977 et une seule femme sachant danser en 1980. La ronde ne se scinde plus, les danseurs maintiennent la position qui était la leur pendant
la balade, tous largement tournés vers la gauche. Si les hommes et les femmes ne se retournent donc plus du tout les uns vers les autres, le dessin général de la ronde reste néanmoins le même. Les bras vont accompagner ce mouvement, ils descendent lorsque la ronde s’écarte et
montent lorsqu’elle se resserre. Ils montent néanmoins assez peu et descendent de même. Certains mouvements viennent de l’épaule et d’autres du coude. Le mouvement est assez peu progressif, il se passe plutôt sur un ou deux temps : 1/2 et 5/6 généralement. Dans la version filmée à Pouldreuzic en 1977, en lieu et place de la figure, les couples se mettent en position de valse et vont tourner ainsi sur eux-mêmes, en pas de gavotte sur quatre fois huit temps.

Variantes

Pour finir, il est à noter que les collectages de Jean-Michel Guilcher évoquent d’autres types de deuxièmes termes, toujours des aller-retour, dans sa thèse :
• Ces mouvements circulaires en couples fermés, en aller-retour autour de l’axe central du couple apparaissent une autre fois sur les films étudiés, dans une séquence tournée au Guilvinec en 1960. Néanmoins, celle-ci met en lumière des danseurs issus probablement d’un cercle celtique. Guilcher, bals, point 4 :
Partie A en ronde et pas de gavotte. Les partenaires se font face. Les couples (leur disposition générale est variable) dansent sur place. Ils font des demitours alternativement dans un sens et dans l’autre.  Chaque trajet circulaire dure quatre temps et se fait suivant la formule d’appuis d’un pas de gavotte. Forme très commune dans le canton de Pont-l’Abbé et suivie jusque vers Plomelin et Plonéour-Lanvern.
• Cette dernière forme n’a été observée dans aucun film. Guilcher, bals, point 2 : Partie A, va-et-vient simples (Plomeur, Tréguennec, Guilvinec) : Les partenaires sont côte à côte. Ils se déplacement parallèlement. Le va-et-vient se fait suivant les rayons d’un grand cercle. (...) La ronde se fragmente pour les va-et-vient de la partie B. Au premier temps de la partie B, les deux partenaires de chaque couple se disposent face à face et se donnent les deux mains chacun tournant le dos à son autre voisin. Ils progressent ensuite vers l’intérieur du cercle, tout en
pivotant chacun d’un quart de tour sur soi-même (fille en sens de la montre et gars en sens inverse), en sorte qu’ils étaient côte à côte en arrivant au centre au quatrième temps. Ils revenaient progressivement face à face en faisant le trajet inverse, centrifuge (5 à 8). (...) [cette] danse (...) - à cela près que nous n’avons de certitudes ni sur la dualité de tempo nisur la durée de la partie B - nous a été enseignée en trois localités bigoudènes (Plomeur, Tréguennec et Guilvinec).

LE TROISIÈME TERME

Appellation

Cette partie nommée « jabadao » par certains, fait partie des rondes à permutation, fréquentes dans toute la Cornouaille. Jean-Michel Guilcher : La ronde (à permutation) vient en troisième rang dans la suite. Suivant les lieux, elle constitue le jabadao à elle seule (la seconde danse porte
un autre nom) ou elle n’est que sa seconde figure (la seconde danse passe pour la première figure du jabadao)
.
Dans ses collectages en pays bigouden, c’est vraiment le cas. Parfois ce que les informateurs appellent bal, est pour d’autres la première partie du jabadao. Jean-Michel Guilcher évoque deux formes de ronde à permutation en pays bigouden. Malheureusement, une seule a été filmée.
Nous nous bornerons donc à ne décrire que celle-ci. Deux séquences nous renseignent : la collecte du Musée National des Arts et Traditions Populaires de 1939 et celle de Jean-Michel Guilcher en 1948. Nous désignerons cette figure selon les termes employés par Jean-Michel Guilcher, le « reculer-croiser ».

Forme de la danse

Comment s’enchaînent les deuxième et troisième termes ? Il semble il y avoir un appel qui se ferait en marchant.

Le reculer-croiser

La balade de cette troisième partie se danse en ronde fermée. Dans la séquence la plus ancienne, la ronde est formée de quatre couples. Jean-Michel Guilcher évoque des adaptations de figure pour les rondes à trois ou deux couples. Tout comme pour le deuxième terme, cette partie est structurée en deux temps, celui de la balade, très probablement pendant deux fois huit temps et celui de la figure, a priori pendant quatre fois huit temps.

Tenue et mouvement des bras

Les danseurs sont attachés très probablement comme pour le deuxième terme, c’est à dire l’index pour les femmes et petit doigt pour les hommes. Les bras sont en bas et, sans être figés, ne semblent pas particulièrement se balancer.

Technique et style

Si la majorité semble danser la balade avec une subdivision retardée, comme pour la gavotte, un homme paraît néanmoins marcher à tous les temps. La figure semble être dansée en gavotte par tous. La figure s’étale dans l’espace, avec un engagement corporel important de tous.
Sur le film de 1939, aux premiers temps de la figure, les deux partenaires se font face sur la ligne de danse, tout en s’écartant vivement l’un de l’autre, en se lâchant les mains, plutôt vers l’extérieur de la ronde. Au temps 5, ils se rapprochent tout en rentrant vers l’intérieur de la ronde. La cavalière donne sa main droite à son cavalier qui l’attrape lui aussi de sa main droite. Dans ce même élan, l’homme fait passer la femme devant lui par l’intérieur de la ronde pour la mettre à sa gauche, de sorte que les femmes fassent un demi-tour sur elles-mêmes aux temps 7/8. Sur ces derniers temps, après avoir déposé la femme sur sa gauche, l’homme peut poursuivre son tour vers la gauche pour se mettre face à la cavalière suivante, tout comme il peut revenir vers la droite. Il réalise donc un tour complet ou deux demi-tours. Quoi qu’il en soit, au temps 1 suivant, il doit faire face à la cavalière suivante. Par la suite, sur les quatre premiers temps de la figure, si les hommes peuvent un peu briller par leur style, les déplacements restent relativement restreints.
Concernant la figure, Jean-Michel Guilcher évoque de son côté des partenaires qui se trouvent face à face et qui reculent aux premiers temps de la figure puis se resserrent sur les temps 5/6 notamment. Les tournés restent les mêmes qu’expliqués précédemment. Quant au cavalier, sur les temps 1/2, il peut à l’occasion faire un tour complet sur lui-même (vers la droite) tout en s’écartant de sa cavalière.

Le pas des hommes dans la figure

La figure est très allante, en suspension. Les hommes sont beaucoup plus créatifs, toujours sur un pas de gavotte. Ils semblent réutiliser les subdivisions et à l’occasion, les rebonds de la gavotte.
Un homme s’arrête net au temps 8, les jambes bien écartées, en canard, bien assis pour marquer la fin de la danse.

Le reculer-croiser décrit par Jean-Michel Guilcher

Ce qui est très intéressant notamment, et il le note luimême, ce sont les particularités pour les rondes à deux ou trois couples.

• Jabadao à deux couples
Pendant la partie A (deux phrases) les quatres danseurs forment une ronde qui tourne en pas de gavotte uniformément vers la gauche. Aux dernières notes les danseurs se lâchent les mains. La partie B comprend quatre phrases. Chacun fait face à son partenaire et danse avec lui pendant les deux premières : Première phrase : les deux danseurs reculent (temps 1 à 4) puis avancent (5 à 8) à la rencontre l’un de l’autre. Deuxième phrase : ils reculent à nouveau, mais fort peu (1 à 4) puis échangent les places (5 à 8) en se croisant, le garçon passant à l’extérieur, la fille à l’intérieur. Certains se contentent d’un trajet rectiligne épaules gauches en regard, mains droites brièvement serrés au passage. Mais les bons danseurs donnent à la figure un dessin beaucoup plus soigné. Le garçon, dès qu’il arrive à portée de sa partenaire (vers le temps 5 de la deuxième phrase, s’il a peu reculé de 1 à 4), prend sa main droite de la main droite pour la guider jusqu’à la nouvelle place qu’elle doit occuper. Il lui fait faire un tour complet sur elle-même (à reculons) en sens inverse de la montre, et ne l’abandonne qu’après l’avoir déposée face au garçon qui le suit. Cette manoeuvre amène le cavalier à se retourner lui-même (un demi-tour sur soi en sens inverse de la montre) vers son point de départ. Pour faire face aussitôt après à l’autre danseuse qui au même moment arrive sur sa droite, il continue de tourner sur lui-même dans le sens inverse de la montre : un demi-tour (fin du temps 7 et temps 8) achevant le tour complet. Pendant les deux autres phrases chaque garçon répète les mêmes évolutions avec l’autre fille, de sorte qu’à la fin de la partie B les quatre danseurs se retrouvent disposés comme au début de la danse.

• Jabadao à quatre couples
Les évolutions sont les mêmes (deux phrases A en ronde, quatre phrases B en reculer-croiser) à ceci près que les danseurs ne consacrent qu’une phrase B à chacun de leurs vis-à-vis successifs : quatre temps pour reculer, quatre temps pour croiser. Chacun décrit alors les quatre côtés d’un carré, et non deux comme la variante précédente. On retrouve encore son partenaire à la fin de la partie B.

• Jabadao à trois couples
C’est un compromis entre le jabadao à quatre et le jabadao à huit. Chacun danse avec son partenaire pendant les deux premières phrases B : reculer (1 à 4), avancer (5 à 8), reculer (1 à 4), croiser (5 à 8). Les phrases trois et quatre se dansent comme dans la version à huit danseurs : un simple reculercroiser (huit temps en tout) avec chaque nouveau vis-à-vis.

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Troisième terme  dans la cour du  château vers 1930.  Collection particulière

Variantes

L’autre forme de troisième terme, le double cercle simultané

Jean-Michel Guilcher le décrit ainsi : La danse s’exécute généralement en pas de gavotte, et dans la forme que voici.

La partie A (deux phrases de huit temps) est une ronde tournant en sens de la montre. Le nombre optimum de couples est deux ou quatre. À la fin de la partie A, tous les danseurs se lâchent les mains.

La partie B (quatre phrases de huit temps) les filles faisant face à gauche, décrivent un cercle dans le sens de la montre, les garçons, faisant face à droite, décrivent un cercle en sens inverse, concentrique et extérieur à celui des filles. Dans chaque cercle les danseurs, disposés les uns derrière les autres, maintiennent entre eux les intervalles égaux qui les séparaient à la fin de la partie A. Ils laissent pendre les bras le long du corps. À chaque phrase chaque exécutant croise un des danseurs de l’autre cercle (épaules gauches en regard). S’il y a quatre couples, chaque garçon croise successivement quatre filles différentes. S’il n’y a que deux couples, il croise sa propre partenaire pendant les phrases un et trois, l’autre fille pendant les phrases deux et quatre. Chacun de ces croisements s’accompagne d’un salut. Toujours placé au début des phrases, ce salut, assez cérémonieux, peut suspendre un moment la progression. Beaucoup de femmes en font une véritable révérence, qu’elles accompagnent d’un léger recul au temps 1 et 2. Elles se redressent et amorcent leur progression aux temps 3 et 4. À la fin de la partie B chacun retrouve son partenaire et tous reprennent la ronde (A).
Ajoutons que très loin de là, en pays de Saint-Brieuc, nous avons retrouvé chez plusieurs vieillards le souvenir d’une danse toute semblable, aux pas près. Elle n’était pas appelée jabadao, mais contredanse.

Accompagnement musical

Les témoignages antérieurs au XXe siècle sont peu nombreux, à suivre quelques extraits relatifs à l’accompagnement musical :
1794, Cambry : Le tambourin, le haut-bois et la musette sont les instruments du pays
1847, Maxime Du Camp, Gustave Flaubert : Les suites gavotte,bal, jabadao, dansées dans les salles de bal sont accompagnéesdu violon ou de la clarinette, parfois les deux.
1894, Gabriel Puig de Ritalongi : Une autre solennité du pays est la fête appelée aire neuve, qui a lieu avant la moisson. (…) Les invitations ont été faites longtemps à l’avance (..) les biniou sont retenus et les provisions faites. (...) Les biniou juchés sur des tonneaux sonnent leurs airs
les plus gais.
Les sonneurs en couple restent à ce jour les seuls photographiés, les seuls étudiés. Rien ne nous est parvenu sur les tambourins, violons ou clarinettes au XIXe siècle.

Tempo

Après moult tempi au cours de la seconde moitié du XXe siècle, aujourd’hui les sonneurs jouent la gavotte bigoudène aux alentours de 143/146 battements par minute. À quel tempo sonnaient-ils avant la Seconde Guerre mondiale ? Si tant est que les films de la mission de 1939 et celui de Bosser en 1960 soient à vitesse normale, ce tempo semble plausible. Cela semble valoir pour l’ensemble de la suite.

Les sonneurs bigoudens, échos d’une musique moderne

Au cours du XIXe siècle, l’échelle des notes est peu à peu normalisée pour l’ensemble des instruments citadins. Les airs urbains sont joués sur des accordéons, des clarinettes… autrement dit des instruments « tempérés », auprès desquels les instruments traditionnels sonnent alors
de plus en plus étrangement. Dans les années 1870, voire avant, les sonneurs de biniou bigoudens, ayant remarqué que le fait de décaler leur doigté d’un degré vers le haut rapprochait leur échelle musicale de celle des mélodies citadines, modifient leur jeu puis leurs instruments. Ontils
délaissé une clé devenue inutile et percé une avantdernière ouverture afin d’élever leur diapason ? Ont-ils au contraire obturé un trou de manière à ajouter une clé ? Les tâtonnements sont certains.

Le sonneur roi

Pourvu de six trous de jeu dès la fin du XIXe siècle, au contraire de ses homologues d’autres terroirs qui, eux sont percés de sept trous, le biniou bigouden est le seul de Bretagne à jouer une tierce majeure, rapprochant donc sa gamme de celle des répertoires urbains. Les répertoires joués sont très singuliers. Aucun autre terroir n’a ainsi fait feu de tout bois, se tournant vers l’extérieur, intégrant dès la fin du XIXe siècle un répertoire emprunté à la musique de kiosque parisienne, à l’opérette ou à la musique militaire. Les musiciens développent un jeu brillant et sophistiqué, à grand renfort d’octaves, de coups de langue, d’ornementations spectaculaires… Ils éclipsent de fait le répertoire ancien et le chant à danser, qui disparaissent rapidement. Néanmoins, les collectes de René Hénaff dans les années 1950 dans le nord du pays bigouden, pourraient laisser à penser que le chant à danser pouvait être assez peu spécifique au territoire.

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À gauche : Louis Guéguen, dit Jean Pouf, et Jean- Marie Hénaff, dit Nig Hénaff. Louis Guéguen sera l’un des derniers sonneurs excommuniés. Il transmettra une grande partie de son savoir à Yann- Kaourintin Ar Gall. À droite : Les frères Quiniou, François et Pierre, de Plogastel-Saint- Germain en 1869. Collections particulières

Les facteurs d’instruments bigoudens

Les Gourret de Plozévet sont actifs sur plusieurs générations. Le grand-père, né vers 1850, fabrique des biniou et des bombardes sans clé. Le père, né vers 1870, développe une production abondante à l’esthétique identifiable à son raffinement. Il tourne ainsi un couple d’instruments en ivoire, matière utilisée de façon rarissime. Le fils tournera lui aussi de nombreuses bombardes très fines, ainsi que des levriad.
Jean Douirin, de Plozévet également, né en 1892, a tourné notamment les instruments d’Yves Boissel et de Nig Henaff. Ses bombardes sont remarquablement fines et sa facture est reconnaissable à ses incrustations très importantes. À la différence du père Gourret, il fabrique des bombardes avec et sans clé.
Tout comme les Pont-l’Abbistes Garrec et Le Berre, René Briec était actif à la fin du XIXe à Pont-l’Abbé. Les instruments de Charles Le Stume, d’Yves Boissel père et des frères Henaff lui sont attribués.
Les Le Goff sont actifs dès la fin du XIXe siècle. L’esthétique de leurs bombardes se rapproche des modèles incrustés, à clé, de certains luthiers lorientais. Le père, Corentin, tourne des levriad à six trous, particulièrement appréciés des joueurs bigoudens. Son fils, Jean-Marie, sonneur occasionnel tout comme son père, fabriquera quelques instruments dans le même style.
De nombreux sonneurs bigoudens marient les bombardes Gourret, fines et justes, avec des biniou Douirin, richement ornementés, sur lesquels ils montent un levriad Gourret ou un Le Goff. Peu importe le nombre de trous de ce dernier, seuls six seront utilisés. Si le levriad possède six trous, il se trouve donc dans la même tonalité que la bombarde. S’il en a sept, on le choisit un peu plus grave que la bombarde, et on ne se sert que des six trous du haut, le deuxième degré prenant le rôle du premier.

Le déclin des sonneurs

L’essor des fanfares et des orchestres de bal annonce le déclin des sonneurs de couple. Pour y faire face, Yves et Henri Boissel, Mathieu Hénaff de Pouldreuzic, le célèbre Yann Dall de Plozévet, comme de nombreux autres sonneurs de bombarde, transposent sur la clarinette leur technique de jeu afin de s’adapter au répertoire à la mode : polkas, mazurkas et autres danses venues de Paris.
En une génération, entre 1890 et 1914, l’accordéon, instrument en vogue, se diffuse en Bretagne d’est en ouest. Le biniou et la bombarde sont adaptés aux manifestations en plein air. À l’intérieur, l’accordéon est roi : entre jeunes, dans un café, toutes portes closes, l’on peut danser toute la nuit sans être entendu par le curé notamment, les excommunications étant toujours d’actualité dans la première moitié du XXe siècle.

CD de référence

1 . Suite bigoudène, Julien Tymen, Michel Kerveillant, Gourin, 2015

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À gauche : mariage en 1920. À droite : mariage de Pierre-Marie Bargain et Marie- Jeanne Le Balch en 1946 à Kérity. Collections particulières

Mode vestimentaire

Le rapport des Bigoudens au vêtement et à la danse estsingulier. S’ils ont trouvé des manières de continuer à faire évoluer largement leur vestiaire dans la première moitié du XXe siècle, ils n’ont pas eu le même engouement pour le répertoire dansé issu de la société traditionnelle. En se mettant en couple très tôt, vers 1850, avaient-ils atteint les limites de sa modernisation ? Quoi qu’il en soit, pendant que les femmes continuent à faire profondément évoluer leur mode vestimentaire bigoudène, les Bigoudens abandonnent rapidement les gavottes et autres ronds pour les danses « à la mode » dans la première moitié du XXe siècle.
Les collectages les plus anciens sur le territoire remontent aux années 1940. Les informateurs sont âgés et n’ont probablement guère fait évoluer leur pratique de danse depuis leur jeunesse. Il semble donc raisonnable de penser qu’ils témoignent de l’état du répertoire dansé dans l’entre-deux-guerres.
Si la période est donc celle-ci, elle est celle des bouleversements, de l’évolution considérable des modes vestimentaires, de l’allègement des étoffes, de l’élévation des coiffes, de l’abandon progressif du port du vestiaire traditionnel masculin notamment. C’est également le moment
de la grande rupture, celui où les mères vont choisir de ne plus vêtir leurs enfants à la mode locale.
Mis à part les anciennes générations, les hommes ne portent plus le vêtement traditionnel qui consistait en un singulier chapeau à trois rubans de velours, un pantalon à pont, un gilet à double plastronnage et boutonnage, rehaussé de velours dans sa partie haute et complété par une veste de ville.
Les vingt années qui composent cet entre-deux-guerres sont un gouffre. Les modes des années 1920 n’ont plus rien de comparable avec celles des années 1940. En 1920, les coiffes des femmes sont encore relativement réduites, les jupes longues et imposantes, les gilets épais. En 1940, une écrasante majorité de femmes portent encore le vestiaire traditionnel et la coiffe. Cette dernière culmine à plus de 35 cm et comme partout, les matériaux se font très légers, les jupes courtes et les décolletés plus larges.

 

Ressources

• Cambry Jacques, Voyage dans le Finistère, ou état de ce département en 1794-1795, Paris, Librairie du cercle social, an VII (1799)
• Duigou Serge, Le Boulanger Jean-Michel, Histoire du Pays bigouden, éditions Palantines, 2002
• Flaubert Gustave, Par les champs et par les grèves, G. Charpentier et Cie, éditeurs, 1886
• Guilcher Jean-Michel, La tradition populaire de danse en basse-Bretagne, éditions Chasse-Marée / Armen, 1995
• Puig de Ritalongi Gabriel, Les Bigoudens de Pontl’Abbé et les pêcheurs de Penmarc’h et de la baie d’Audierne, éditions Libaros, 1894

Discographie

• Pays bigouden, Sonneurs et chanteurs traditionnels, Dastum Bro Gerne / Dastum, référence 20022
• Suite bigoudène, monsieur Raphalen, accordéon, in Les Archives de la Mission de Folklore Musical en Basse Bretagne de 1939 par Claudie Marcel-Dubois, François Falc’hun, Jeannine Auboyer, éditées et présentées par Marie-Barbara Le Gonidec, Paris- Rennes, CTHS-Dastum, 2009, 448 p., DVD

Filmographie

• Grandes fêtes des reines de Cornouaille, René Arcy-Hennery, 1923, (gavotte à 13’42 : « Danse bretonne par les fins danseurs de Plozévet »), Cinémathèque de Bretagne
• Mission Basse-Bretagne, MNATP 1939, à Plogastel- Saint-Germain par Jeanine Auboyer dans le cadre de la « Mission de folklore musical en basse-Bretagne » de Claudie Marcel-Dubois et François Falc’hun, (gavotte à 16’04 et 17’30, deuxième et troisième termes), visible sur YouTube
• Collectage, Jean-Michel Guilcher, 1948
• Kermesse Lababan Plogastel, Jean-Marie Bosser, 1955, (gavotte à 28’13 et à 30’25), Cinémathèque de Bretagne
• Mariages, Jean-Marie Bosser, Pouldreuzic vers 1960, (gavotte à 29’37, deuxième terme à 30’33), Cinémathèque de Bretagne
• Collectage de Viviane Hélias à Pont l’Abbé, au Guilvinec et à Pouldreuzic, 1977, (gavotte, deuxième terme), visible sur YouTube
• Collectage de Georges Paugam, gavotte de Plovan vers 1980, (gavotte), Cinémathèque de Bretagne

Remerciements

• Laurent Bigot
• Michel Colleu
• Julien Tymen et Michel Kerveillant
• La Cinémathèque de Bretagne
• Le Musée Bigouden
• Régine Barbot, coordinatrice du projet et relectrice

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Gavotte lors d’une noce en 1910. Collection Musée Bigouden

Rappel

La Commission danse de Kenleur tient à rappeler un certain nombre d’éléments qui prévalent à l’élaboration de cette fiche de danse. Il en est strictement de même pour toutes les fiches à ce jour publiées. La version proposée dans une fiche de danse fait suite à une étude longue, profonde et sérieuse qui s’appuie sur des sources et témoignages fiables. Cette fiche qui se veut un témoignage intangible, une version, probablement la plus répandue de cette danse. Mais tout naturellement, même si nous la considérons comme majeure, cette version ne peut en aucun cas se prévaloir d’être l’unique version, il peut exister des variantes, liées à l’époque de référence, les lieux, l’âge et l’implication des personnes qui ont été porteuses de cette tradition et qui nous l’ont transmise. Penser différemment, serait totalement contraire à l’éthique qui entoure notre action vis-à-vis de notre environnement patrimonial.