Fiche de danse

Gavotenn Vras bro Kernevodez

Terroir

Pays Rouzig - Kernevodez

Vidéos et musiques

 

Rédacteurs

Cette fiche de danse a été rédigée en juillet 2017 à partir des éléments soumis par Gilles Le Goff. Elle est le fruit des recherches et collectages débutés en 1967 par ce dernier.

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Famille de danses

Gavotte

Structure de la danse

Suite bipartite

Accompagnement traditionnel

Binioù kozh - Bombarde

Accordéon diatonique ou chromatique

Accordéon accompagné de cuivre(s) sous forme de jaz band

Forme de la danse

Gavotenn vras en 1910 à Logonna-Daoulas. Collection Gilles Le Goff

Appellation

Gilles Le Goff nous confirme d’après ses informateurs, (notamment de Marie Pérès, sa grand-mère), qu’il était dansé la « gavotenn vras » bro Kernevodez, (grande gavotte d’honneur du pays Kernevodez). Elle n’était dansée que pour les grands évènements (mariages, fêtes locales…). La terminologie Kernevodez est le féminin de Kernevod qui signifie homme de Cornouaille. On retrouve ce terme dans un livre ancien (environ1870) qui parle des « Kernevod » de la montagne d’Arrée et dans le livre (évolution du costume en Cornouaille Léonnaise) du docteur Charles Laurent, originaire de Hanvec.

Situation géographique et historique

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Le pays Kernevodez ou Kernevodenn se situe au nord de la Cornouaille, sur le versant ouest des Monts d’Arrée entre Aulne et Elorn jusqu’au bord de mer avec le pays Rouzig au sud, le Léon au nord, le pays Bidar et le Poher à l’est. La zone de danse de la gavotte Kernevodez se limite aux communes de Daoulas, Logonna-Daoulas, L’Hôpital-Camfrout, Irvillac, Hanvec, Le Faou, Rumengol (rattachée en 1970 à la commune du Faou), Saint-Eloy, Saint-Urbain, Dirinon et Loperhet. Les communes de Hanvec et Rumengol, où ont été réalisés beaucoup de ces collectages, se trouvent en plein cœur du pays Kernevodez. La forêt du Cranoù, vendue à Louis XIV par les seigneurs locaux du XVIIe siècle pour construire la flotte royale, fut un centre de brassage de population car le roi fit venir ses bûcherons d’autres forêts du royaume, en particulier des forets de camors(56) et du gavre (44). Le travail du bois attirait aussi de nombreux sabotiers et bûcherons venus de communes plus lointaines, ceci jusqu’en 1900 environ. Les pardons de Rumengol, très populaires, où se vendaient les chansons sur feuilles volantes, drainaient aussi des milliers de pèlerins, des commerçants, des mendiants...

Informateurs, témoignages et transmission

Notre principal informateur rend hommage aux passeurs de mémoire du pays Kernevodez. Si l’essentiel des témoignages antérieurs à la Première Guerre mondiale sur la tradition musicale en pays Kernevodez sont liés aux descriptions du déroulement du pardon de Rumengol, le terroir a bénéficié au cours du XXe siècle de plusieurs enquêtes successives, permettant de brosser un tableau assez riche de la tradition chantée, sonnée et dansée, et d’en assurer la transmission aujourd’hui. De plus, l’ancienne tradition instrumentale de jeu en couple s’y est maintenue plus longtemps qu’ailleurs, relayée ensuite par Job Yvinec, ancien sonneur de bombarde qui a joué le répertoire local à l’accordéon diatonique jusque vers 1975. La tradition de la gavotte s’est également estompée par la venue des festoù-noz, effaçant ce style particulier qui a malgré tout survécu jusqu’à nos jours par le maintien d’un petit tour de danse au repas annuel des anciens. Gilles Le Goff a souvent vu danser dans sa famille et son voisinage et a commencé à pratiquer lors de quelques occasions, après grandes journées de battage, noces, fêtes… Puis vers les années 1967-68 jusqu’environs 1972, il a rassemblé tous les renseignements concernant les danses, chants et musiques du pays Kernevodez auprès de personnes nées entre 1878 et 1914 :

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Collection Gilles Le Goff
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A Rumengol (prononcé en breton du pays « Reminngol »)

  • Marie Pérès, dite « Pèch » (1890-1981), couturière et repasseuse de coiffes au bourg (référence enregistrement 1970), épouse de Louis Pennec
  • Marie-Jeanne Deniel (≈1895-≈1980), ménagère au bourg, épouse de Fañch Bonniven
  • Hervé Jauny (1905-1971), bedeau et menuisier, de Gorrequer à Rumengol, (référence film 1974)
  • Michel Pérès (1898-1995), menuisier, de Pen ar prat à Rumengol
  • Marie Morvan, dite « Marie Gorrequer » (1900-1990), de Rumengol (référence film 1947), épouse de François Péres
  • Louis Béon (≈1900-≈1980), sabotier, de Kerlavarec à Rumengol
  • Jean-Marie Brenaut, dit Janhic Vras (1878-1970), sonneur de biniou, du Cosquer à Rumengol puis au bourg de Quimerc’h
  • Marie-Anne Brenaut, fille de J-M Brenaut (1909--2012), du Cosquer à Rumengol puis au bourg de Quimerch (référence film 1947), épouse Abalain
  • Françoise Guillerm, dite « Soaz Cheun » (≈1900-≈1980), ouvrière au bourg de Rumengol
  • Francois Pennec, dit Potik, marin d’état (1894-1970) et Marguerite Gourmelon, dite Guitik (1895-1978) (son épouse) au bourg de Rumengol
  • Katrinig Runambot  (1888 - 1980), belle-sœur du sonneur J-M Brenaut, Rumengol, épouse de Noël Brenaut

A Hanvec

  • Marianna Leroy (1900-1985), ménagère de Kroaz Hent Boudouguen à Hanvec
  • Marianna Morio (1913-2004), journalière agricole deKervel à Hanvec (référence enregistrement en breton et film juin 2003)
  • Hervé Le Menn, dit « Veig ar Menn » (1899-1973) de Pennarunn à Hanvec
  • Yves Le Cann, dit « Cheun ar C’hann » (≈1915-≈1980), instituteur au bourg de Hanvec
  • François-Marie Galéron (1907-2010), agriculteur de Kernellac’h à Hanvec (référence enregistrements années 1980/90, film 1994)
  • Jean Herrou (1919- 2011), cheminot du Pont Neuf à Hanvec (référence enregistrement en breton 2004)
  • Marguerite Hétet, dite « Marc’harid Maréchal », son époux étant maréchal-ferrand, (1900-2000) de Karn Doulas (Kar Hent Daoulas) à Hanvec
  • Mesdames Le Gall, Hascoët, Le Moigne et Kerautret
  • Jean Le Menn et son épouse
  • Jean Pouliquen (né en 1930), agriculteur au Pont Neuf à Hanvec : c’est la dernière personne en vie à avoir appris à danser adolescent avec ses parents et voisins les soirs de grandes journées de récolte. Il est aussi le dernier à avoir organisé, en tant qu’adjoint au maire, le concours « War ar zeienn » pour le « repas des vieux » dans les années 1980 (référence enregistrement en breton et film novembre 2005).
  • Anna Guillerm, née en 1919, agricultrice à Kervel à Hanvec (référence enregistrements 2001/2002). Son mari, Jacques Morio, était réputé comme étant un des meilleurs danseurs de gavotte à Hanvec.
  • Nicolas Kerneis, dit Kolahig Pen ar hoat (1900-1998), agriculteur de Pen ar hoat ar gorré à Hanvec

A Saint-Eloy

  • Marianne Férec, dite « Nan-na Kerhéré » (≈1905-≈1990), blanchisseuse, journalière agricole
  • Jean-Marie Le Nard (1895-1980), agriculteur de Kergoarem
  • Joseph Yvinec, dit « Jop » (1898-1978), agriculteur, joueur de bombarde puis d’accordéon diatonique (référence enregistrement 1966, 1969, 1970)

A l’Hôpital-Camfrout

  • Jacques Cornou, dit « Jakig Jazz » (≈1915-2000), accordéoniste dans un jazz-band

A Dirinon

  • Mme Kerdraon (70 ans à l’époque), Gilles Le Goff l’avait questionnée en 1970 lors d’une fête à Dirinon où elle avait remporté le premier prix au concours de la gavotte « war ar zeienn »

Au Faou

  • Emilie Quillien (≈1900-1991) (Milie Le Guern de son nom de jeune fille), lavandière, était allée dans les années 1925-1930, avec plusieurs autres personnes, danser la « gavotenn vras » du pays Kernevodez à Rennes lors des fêtes réunissant plusieurs terroirs de Bretagne.

Occasion de danse

La gavotenn vras (grande gavotte d’honneur) était dansée pour les grandes occasions mais pas lors de fêtes religieuses. On la retrouvait lors des grandes fêtes locales (ouverture des grandes fêtes publiques de la commune d’Hanvec), mariages (mariés, gens d’honneur, familles) et venues de personnalités (hommes politiques…). Cette gavotte était dansée « en l’honneur de… ». Toutefois, Gilles Le Goff nous confie qu’une exception dérogeait à la règle car il se souvient avoir entendu dire que la gavotte était dansée pour un pardon hors du bourg, dans la forêt du Cranou à la chapelle de Saint Conval, où après les vêpres était dansée la gavotenn vras ou le tro dro gavotenn, suivi d’une kermesse. Ce « pardon » s’apparente vraisemblablement à une fête tournée vers le côté « profane » car ce n’était pas une fête religieuse dite « officielle » (informations de Marie Menez (Mme Le Gall) et Marie Bourlès (Mme Vaillant) du vilage de Nellac’h près de cette chapelle).

Affiche des Fêtes publiques du 29 mai 1921 avec des «concours de danses bretonnes au biniou» et «gavottes d’honneur». Collection Gilles Le Goff
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Gavotenn vras à la noce de François Fagot et de mademoiselle Léon en 1905. Collection Gilles Le Goff

Origine et famille de danse

C’est une danse de la famille des gavottes qui se danse en chaînes courtes au nord de l’Aulne, avec déplacement à gauche comme partout ailleurs. La gavotte en Bretagne d’après Jean-Michel Guilcher est une survivance du trihori : d’abord les appuis correspondent dans cette forme bretonne, ensuite l’étymologie est proche. L’origine du nom trihori s’apparente plus à l’appellation bretonne « tri c’hoari » (« trois jeux », qui rappelle de la suite tripartite), qu’à l’appellation latine. Plus tard l’appellation est devenue « dañs tro ».

Forme et structure de la danse

La gavotenn vras est une suite bipartite composée d’une gavotte et d’un bale appelé localement jabadao (succession de bals). Elle se danse uniquement en un cortège formé de petites chaînes de deux à trois couples parfois et les unes derrières les autres. Toujours fermée par un homme, elle est pratiquée jusque dans les années 1930. Pour les mariages, la gavotenn vras se dansait à la sortie de l’église, après avoir payé la « drein eured » (« ronce des noces » : grosse tige de ronce avec des fleurs piquées sur les épines, qui était portée par des mendiants qui barraient le passage des mariés qui devant payer un droit pour leur ouvrir la route, renseignements de Marie Pérès en 1970). Après une marche, promenade en défilé de couples précédés par les musiciens, les quadrettes se mettaient en place pour la gavotte. La gavotte, elle aussi, se danse en cortège, tout en avançant de front vers un point précis. Chaque quadrette est positionnée en léger biais avec un décalage d’une personne sur chaque quadrette : le meneur de la deuxième quadrette se positionne à l’arrière de la première danseuse de la quadrette précédente. Les quadrettes se formaient avec une hiérarchie bien précise où ne dansaient que les mariés, gens d’honneur, parents, frères et sœurs, parrains et marraines et quelques proches des mariés. Parfois la première quadrette était menée par le couple d’honneur, positionnant les mariés en seconde place. Le père de la mariée formait couple avec la mère du marié et inversement pour les parents du marié. Les autres participants dansaient aussi de la même façon, en mixage de familles (renseignements Marie Pérès et documents photos confirmant ces précisions). Les autres invités se contentaient d’être spectateurs. Le cortège de gavotte se dirigeait alors vers le lieu du repas avec plusieurs arrêts pour pratiquer d’autres danses dont les bale-jabadao. Pour l’inauguration des fêtes locales ou la réception d’une personnalité, le cortège de quadrettes était mené par les notables locaux et les meilleurs danseurs de la commune. A partir des années 1910 pouvait se danser jibidi, polka piquée sautée et mazurka à la suite de la gavotte et des bale.

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A droite : Gavotenn vras à la noce de Jean Le Menn en 1959. Collection Gilles Le Goff

Gavotenn

Tenue et mouvement des bras

Les danseurs se tiennent par le petit doigt, parfois par le majeur ou l’index, et très exceptionnellement par la main. Bras écartés, les mains effectuent des mouvements pouvant aller du niveau des hanches au haut des cuisses mais ne dépassant jamais le haut des hanches. Les épaules et les coudes ne doivent pas être relevés. Le meneur de la chaîne peut tenir sa cavalière par le petit doigt, son coude est alors à l’intérieur de l’avant-bras gauche de la fille. Il peut aussi donner le bras à sa cavalière (avant-bras droit de l’homme replié) soit avec posé de la main de la cavalière sur l’avant-bras du cavalier, soit avec tenue par la main ou le petit doigt. Le meneur en général bat la mesure avec le bras gauche écarté, parfois levé, mais peut aussi changer de posture en tenant le revers ou le bas de sa veste. Le descriptif suivant est une moyenne des façons de faire, car ces mouvements de bras étaient plus ou moins amples selon les personnes et leur écart dans la chaîne.

Gavotenn vras à la noce de Jean Le Menn en 1959. Collection Gilles Le Goff
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Temps 1 : Les mains s’abaissent au niveau du haut des cuisses pour remonter au temps 2.

Temps 3, 4, 5, 6 : Les mains effectuent de courtes saccades ponctuant les mouvements du corps.
Temps 7 : Les mains s’abaissent fortement, très bas, le bras tendu vers l’arrière des cuisses.

Temps 8 : Les mains remontent au niveau des hanches.

Technique de pas

Toute la danse est « suspendue », les appuis se font surtout sur les demi-semelles. Notons qu’en-dehors du temps 1, le pied droit ne devance et ne croise jamais le pied gauche.

Temps 1 : Départ du pied droit, posé franchement au sol, se relevant immédiatement en demi-plante, talon très légèrement soulevé au ras du sol, avec mouvement fort de la hanche vers la gauche. Le pied gauche est en appui fictif, son talon décollé du sol.

Temps 2 : Surrection très nette sur le pied droit (le talon se soulève). La jambe gauche peut se replier en arrière chez les cavaliers (le pied gauche n’est alors plus au sol). Pour les cavaliers ou cavalières, le talon du pied gauche peut aussi se lever, ou le pied gauche frappe sur la cheville droite avec pivot sur le pied droit en demi-plante avec léger mouvement de hanche vers la droite dans le sens des aiguilles d’une montre.

Temps 3 : Le pied gauche est posé au sol en avance de 30 à 50 cm, le pied droit est sur sa pointe en appui fictif, le talon nettement décollé.

Temps 4 : Prise d’appui du pied droit venant chasser le pied gauche sur environ 20 cm.

Temps 5 et 6 : Les pieds et jambes restent écartés durant ces deux temps, les pieds faisant une subdivision suspendue sur leurs demi-plantes, le pied gauche quasiment à plat, le pied droit reste en arrière sur le bout du pied au sol, talon levé, effectuant un très léger chassé vers la gauche. Les hanches effectuent une légère rotation de gauche vers la droite.

Temps 7 : Le talon du pied droit se repose au sol, entraînant le poids du corps vers l’arrière. Le pied gauche sur sa pointe, et soit le talon tourne vers la droite avec un léger chassé pour les cavalières, soit le pied gauche vient croiser le pied droit et peut se décoller entièrement ou partiellement du sol pour les cavaliers. Le corps amorce son orientation dans le sens de progression par un léger mouvement vers la gauche.

Temps 8 : Le pied droit reste en arrière sur la pointe du pied en position pour décoller du sol et reprendre le temps 1 dans un retour de hanche vers la gauche.

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Formule d'appui du pas

Style

Le style de la danse est plus réservé que celui de la gavotte ordinaire mais toujours avec une suspension du corps sur les genoux légèrement pliés comme des ressorts et les pieds souvent sur demi-semelles. Le corps est droit, parfois même très légèrement cambré en arrière, jamais en avant, et doit se positionner de biais, face au dos du danseur précédent, avec le regard porté vers le sens de progression de la danse. La progression de la danse est importante sur les quatre premiers temps (1 mètre à 1,50 mètre) et quasiment sur place pour les quatre derniers temps. Les mouvements des jambes et pieds sont aussi menés par l’élan du corps (et non l’inverse).  Ces formules de pas et style sont une approche moyenne des façons de faire, chaque personne, selon son âge, sa conformation, son hameau ou sa commune ayant un pas et un style pouvant être un peu différent, mais qui se retrouvait toujours sur la forme de la danse. Gilles Le Goff a relevé plus de dix façons de faire le pas sur la même commune, ce qui laisse une certaine liberté d’expression, tout en conservant l’esprit de base, sans pour autant en faire une danse différente. La danse est plus solennelle du fait que les quadrettes se mettent en spectacle pour des occasions bien particulières. A l’inverse du « tro gavotenn Kernevodez » (gavotte ordinaire), on ne retrouvait ni fioriture, ni lâché de cavalière par les meneurs qui avaient pour rôle de diriger le cortège vers un point défini (De l’église au repas pour les mariages, de la mairie au lieu de convivialité pour les fêtes locales…)

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Gavotenn vras le 10 octobre 1920 à Rumengol, avec François Pennec, Marguerite Gourmelon, Marie-Jeanne Gourmelon et Hervé Runambot (dit Pennher ou Hervé Yélik). Collection Gilles Le Goff

Jabadao (bale)

A la suite de la gavotte intervient le bale (2ème partie de la suite) qui est appelé localement « jabadao » qui est lui-même un ensemble de figures.
Dansé en 1968 sous les appellations et par les personnes suivantes :

  • Jabadao (Marie Pérès et Marie Jeanne Deniel)
  • Passepied (hervé le menn) le passepied était dansé à Hanvec jusqu’au début du XXème siècle, puis s’est confondu dans la forme « jabadao » (référence Hervé Le Menn)
  • Round an avalou douar bihan (ronde des petites pommes de terre, car ils l’avaient apprise étant enfants après la récolte) Hervé Jauny
  • Bal à huit (Hervé Jauny et Marie Morvan)
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Le jabadao est décomposé ainsi :

Partie marchée

Cette ronde dansée par deux quadrettes réunies se donnant le doigt débutait par une marche avec progression du corps en biais vers le sens de la danse, avec le même mouvement de bras que celui du bale ziskuiz en première partie (bal de la gavotte ordinaire)

Partie gerbe

Après le dernier temps de marche, un temps de pause s’effectue durant lequel les danseurs se positionnent face au centre du cercle, les mains vers l’avant à hauteur de « hanches-poitrine ». Les bras se tendent au premier temps pour se lever progressivement, sans balancement, jusqu’au centre du cercle au temps 4, ou les mains de danseurs se rejoignent en se levant fortement jusqu’au-dessus des têtes. Le retour en arrière se fait toujours bras tendus, sans balancement pour retrouver la position du départ au temps 8.

Jabadao ou bale à Logonna-Daoulas vers 1930.
Collection Gilles Le Goff

Technique de pas

Pas dit de « passepied »

Temps 1  : Le pied droit posé vers le centre du cercle

Temps 2  : Le pied gauche rejoignant en chassé arrière pied droit

Temps 3  : Le pied droit posé vers centre du cercle

Temps 4  : Le pied gauche levé, cheville venant croiser arrière mollet/genou droit pour les hommes, cheville venant croiser arrière cheville droite pour les femmes

Temps 5  : Le pied gauche posé à l’arrière en reculant

Temps 6  : Le pied droit chassé vers l’avant du pied gauche

Temps 7  : Le pied gauche posé à l’arrière

Temps 8  : Le pied droit chassé vers l’arrière rejoignant le coté du pied gauche

Au temps de pause le corps se retourne vers la gauche pour reprendre le sens de la marche.

Variantes

Variantes dite « bale daou ha daou »

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Dansés en 1968 par Hervé Jauny et Marie Morvan.
Les danseurs sont en couple par le doigt en une ou plusieurs rondes et comme pour les autres bals, ils marchent dans le sens de la danse, sur un rythme assez soutenu.
Au temps de pause, les couples se séparent et chaque danseur et danseuse du couple se retournent face à face, l’homme tenant les deux mains de sa cavalière par les petits doigts, posant ses mains fermées en poing, le poing droit posé sur son poing gauche. Le couple danse alors la gavotte sur 32 temps.

Noce à Irvillac, famille Le Bras, environ en 1925.
Collection Gilles Le Goff

Les 8 premiers temps se dansent sur place, face à face, leurs corps étant très proches, avec un pas très fort pour l’homme. Pour les autres temps, les danseurs dansent en tournant sur place, chacun de biais sans se regarder. La cavalière danse sur un pas de gavotte simple, le cavalier avec un pas plus enlevé.

Pas de l’homme aux 8 premiers temps
Temps 1  : Le pied droit posé fortement au sol

Temps 2  : Le pied gauche levé haut jambe repliée en arrière

Temps 3  : Le pied droit levé vers l’arrière, pied gauche au sol

Temps 4  : Le pied gauche levé, pied droit au sol

Temps 5 et 6  : Les 2 pieds au sol avec 2 suspensions en demi plante, laissant apparaitre furtivement une subdivision.

Temps 7  : La jambe et le pied droit levés assez haut de côté avec un mouvement rotatif vers l’arrière (pass ‘dreñv)

Temps 8  : Le pied droit posé au sol, le pied gauche légèrement levé pour être posé avant reprise du temps 1

Les couples continuent de danser en tournant sur place jusqu’au 28e temps, moment auquel le cavalier lâche la main droite de sa cavalière pour ramener celle-ci en arrière d’un tour de bras assez fort durant les 4 derniers temps où elle danse en reculant, afin de reprendre le sens initial de la ronde qui va se reformer.

Bale chadenn (chaîne croisée) en ronde composée de 2 quadrettes

Les renseignements et explications ont été donnés à Gilles Le Goff par Hervé Le Menn et Yves Le Cann en 1969 mais il ne l’a jamais vue danser personnellement. Cette ronde comme pour les précédentes était dansée avec une marche suivie d’un pas de gavotte avec croisement des danseurs (type chaîne anglaise). Après la partie marchée chaque couple se sépare du couple précèdent et le cavalier se retourne à l’inverse du sens de la ronde pour prendre de sa main gauche, la main gauche de sa contre-cavalière, pour ensuite prendre la main droite de la cavalière suivante dans sa main droite en effectuant à chaque fois un croisement sur 4 temps, avec un léger mouvement de corps de droite à gauche ou inversement (selon cavalier ou cavalière) à chaque croisement et toujours sur le pas de la gavotte.

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Accompagnement musical

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Instruments

Le chant n’était pas utilisé pour la gavotenn vras, bien qu’il en était sûrement la base à une autre époque. On retrouvait en revanche le chant pendant la noce, comme pour le repas (kan a boz), à l’arrivée des plats pour leur présentation. Marie Pérès parle du chant de présentation  du plat de beurre en forme d’une fileuse de laine à la noce de sa cousine en 1905. Un homme avec un bâton était chargé d’empêcher les gens de toucher le plat qui passait devant eux.
La gavotenn vras était toujours accompagnée de musiciens payés pour l’occasion : 5 à 6 francs chacun et par jour ainsi qu’une quête à leur profit en 1905-1910 à Hanvec (renseignements Hervé Le Menn). Ils pouvaient également recevoir des pièces de velours qu’ils installaient sur leurs chapeaux et du « kig sall » (lard salé), (renseignements en 1969 par Jean-Marie Brenaut de Rumengol, sonneur de binioù de 91 ans). Ce dernier allait sonner « sur son pied » disait-il en français (à pieds), 25 km à la ronde, de Lannedern à Argol et de Dirinon à Châteaulin. Il a définitivement cessé de sonner vers 1955. Le biniou et la bombarde étaient toujours accompagnés d’un tambour jusqu’en 1905 (renseignements Marie Pérès et Jean-Marie Brenaut) et parfois d’un fifre (renseignements Hervé Le Menn).
L’accordéon diatonique, déjà présent avant la première guerre mondiale, a progressivement remplacé ces instruments traditionnels vers 1925 (renseignements Jop Yvinec). Dans les années 1930-1940, il était souvent accompagné à la trompette, au saxophone, au clairon ou à la clarinette (formule jazz band).

Jean-Marie Brenaut, dit Janhic Vraz, du village du Cosquer à Rumengol en 1920.
Collection Gilles Le Goff

Airs et tuilage

Pour ce qui est de l’air en lui-même, il était fréquemment sans réel appel à la danse contrairement au Poher, mais généralement quelques phrases (maximum un couplet) de quoi se mettre dedans, parfois même sur un autre air que celui de la gavotte. Certains musiciens, Job Yvinec notamment, entamaient directement la danse après quelques notes rapides. Les musiciens gardaient généralement le même air du début à la fin, parfois 2 à 3 airs grand maximum, le pot-pourri étant réservé à la gavotte « war ar seizenn » avec souvent un air particulier « an ton bras » (le Grand Air) qui était joué au début.
Cédric Moign qui a beaucoup analysé les différents jeux de biniou-bombarde de Bretagne nous confie que pour le tuilage, il n’y a a priori pas moyen de savoir si la bombarde tuilait, comme nous ne disposons pas d’enregistrements anciens du pays, sonnés en biniou-bombarde. Les clarinettes, elles, tuilent aussi en Haute-Cornouaille car leur répertoire est emprunté aux chanteurs. Certains sonneurs tuilent un peu plus maintenant mais c’est lié au fait qu’ils relient leur pratique à celle des chanteurs. Ceci dit, les sonneurs en basse-Cornouaille ne le font pas et le répertoire du pays Kernevodez était fortement influencé par la basse-Cornouaille. En conclusion, ceux qui le font ont des arguments pour, mais ceux qui ne le font pas, ne peuvent pas être accusés d’avoir oublié quelque chose. Dans la montagne, il y avait peu de sonneurs et on ne sait pas non plus s’ils le faisaient. Pourtant, le jeu de couple moderne a retenu le tuilage comme étant la norme.

Joseph Verveur, dit Jop ar soner, de Ty-Croaz à Hanvec, à la noce de Jean Rolla à Hanvec vers 1930. Collection Gilles Le Goff

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Tempo

Le rythme est saccadé avec des appuis forts sur certains temps. Le tempo est fixe et oscille de 144 à 161 à la noire (analyse par Cédric Moign sur une quinzaine d’airs de collectage), l’idéal étant 152-154, hormis pour la partie marchée du bale où des variations importantes ont pu être constatées.

Jop Yvinec de Saint-Eloy, Le Tréhou en 1968, à l’accordéon diatonique. Comme tous les musiciens mobilisés pour la première guerre mondiale, il était tenu de se munir de son instrument de musique (bombarde à l’époque) et en avait joué devant un général à Lyon en 1918. Collection Gilles Le Goff

Mode vestimentaire

Le costume du pays Kernevodez était porté sur les communes de Rumengol, Hanvec, Saint-Eloy, L’Hôpital-Camfrout, Irvillac, Daoulas, Logonna-Daoulas, Loperhet, Dirinon et Saint-Urbain.

Costume des femmes

Il est quasiment identique à celui porté dans les pays Bidar et Rouzig, seules les coiffures sont différentes. La coiffe carrée appelée « koeff Kernevodez » ou « koeff Daoulas », dont les plis donnaient une forme de toiture bien prononcée, avec les « troñsoù » (larges ailes) plaqués sur les côtés. Initialement portée sur toutes ces communes, elle a été progressivement délaissée au profit de la coiffe à ailes ouvertes, dite « koeff Kastellin » depuis le début du XXe siècle dans les communes les plus au sud (Rumengol, Hanvec, L’Hôpital-Camfrout). La « koeff berr » (ou « koeff bourlok » ou « koeff noz »), en forme de bonnet phrygien, qui était portée dans les communes plus au nord (Irvillac, Dirinon, Saint-Urbain), a progressivement disparu après la guerre 1914-1918, remplacée par la « koeff Kernevodez ». Le « kapig du » (petite cape noire), coiffe de travail ou d’hiver, était en tissu de coton ou laine, bordée de velours. Elle entourait la tête jusqu’aux épaules.

Costume des hommes

Dans les communes de Rumengol, Hanvec et Saint-Eloy, plus au sud-est du pays Kernevodez, le costume masculin était identique à celui des pays Bidar et Rouzig : gilet bordé de velours ouvert en cornes, chupen à basques, deux rangées de boutons de jais avec fausses boutonnières et turban en tissu de laine bleu, chapeau à large ruban aux bords relevés sur les côtés à la « cow boy ». Au nord-ouest, dans les sept autres communes, le costume masculin était différent : gilet de la même coupe que le précédent, mais avec les « cornes » repliées en revers, chupenn court avec deux petites rangées de boutons sur les côtés et bas des manches, col droit et revers larges parfois de velours, turban bleu ou à rayures ou carreaux, et pantalon à pont à carreaux ou rayures pour les deux modes.

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Costume Kernevodez de cérémonie du début XXè.
Collection Le Carton Voyageur

CD de référence

  1. Air de « Ton Bras » joué en 1966 par Job Yvinec à l’accordéon diatonique lors d’un bal populaire à la salle de Fañch ‘n Hotel (hôtel-restaurant François Morio) à Hanvec. Jop Yvinec débute une suite d’airs pour le concours de gavotte « War ar zeienn » (enregistrement de mauvaise qualité, mais ayant le mérite d’exister)
  2. Gavotenn vras jouée par Tristan Gloaguen et Gaël Le Fur en 2015 à Menez Meur
  3. Gavotenn vras sonnée en 2005 par Cédric Moign au biniou et Hervé Irvoas (fils) à la bombarde (Son ar boulancher, chanson du boulanger, transmis par Louis Béon, sabotier à Rumengol) suivi de (Ar yar a gor i vi, la poule qui couve son œuf, (transmis par mon grand-père Jean-Louis Pennec, à ma mère Anne-Marie Le Goff de Rumengol)
  4. Jabadao-passepied - Rond an avaloù-douar bihan, sonné en 2005 par Cédric Moign et Hervé Irvoas (fils), Disul me oa bet ‘barz ar Faou (dimanche je suis allé au Faou), transmis par Hervé Jauny de Rumengol). Les temps de pause auraient pu être plus marqués.
  5. Ronde « bale » à deux, sonné en 2005 par Cédric Moign et Hervé Irvoas (fils), (ar c’hi du - le chien noir, transmis par Hervé Le Menn et Yves Le Cann de Hanvec). Les temps de pause auraient pu être plus marqués.
  6. Bale chadenn (sur air de jabadao-passepied), joué en 1970 à l’accordéon chromatique par Victor Tromeur de Brasparts (né en 1923) sur un air très commun en Cornouaille et pays Kernevodez : Me ‘savo un ti war ar maez hag e vo toet gant krampouezh (je bâtirais une maison à la campagne et le toit sera de crêpes). Victor animait les bals de Brasparts à Hanvec, Pleyben, Daoulas depuis 1945
 

Ressources

Chants et musique

  • Dastum : Enregistrement famille Le Menn de Hanvec, année 1950/60, enregistrements Gilles Le Goff Rumengol-Hanvec, année 1960/70.
  • Pays Kernevodez, Dastum bro Gerne, 2011
  • Différents collectages disponibles à Dastum
  • CD Gavottes - Menez Meur - Anthologie volume 1 et 2 - Coop Breizh
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Cortège de gavotenn vras à une noce de la famille Tromeur à Hanvec en 1932. Il n’est pas mené par les mariés mais par le père de la mariée et la mère du marié, comme il se faisait souvent . Collection Gilles Le Goff

Vidéo

  • Concours de gavotte «War ar zeienn» sur la place de Rumengol en 1947, films de l’abbé Bothorel
  • Collection Jean-Michel Guilcher : film des années 1950, tourné à Hanvec notamment
  • Collection Gilles Le Goff : François Marie-Galeron (87 ans) et Soaz Salaün (84 ans) à Hanvec en 1994 - Marianne Morio (90 ans) et Gilles Le Goff (56 ans) à Hanvec en 2003 - Jean Pouliquen (80 ans) à Hanvec en 2005.

Bibliographie

  • Le Menn Hervé, Toniou biniou, K.A.V (Kenvreuriezh ar viniaouerien), Gavottes simples, gavottes War ar zeienn, Monfarines (Laeradeg), Pilerlan, 1940
  • Le Cann Yves, Digor an abadenn, Pays de Hanvec, 1950
  • Guilcher Jean-Michel, La tradition populaire de danse en Basse-Bretagne, Coop-Breizh – Chasse-Marée/Armen, 1995 (première édition : 1963)
  • Montjarret Polig, Toniou breiz izel (recueil de partitions regroupant diverses gavottes de Hanvec)
  • Le Menn Hervé, Istor Hanveg : Parrez ha kumunn, Editions La Baule, 1974
  • Bro / Pays Kernevodez, Editions Centre du Patrimoine Oral de Cornouaille - Dastum bro Gerne, 2011
  • Le Scour Jean-Pierre-Marie, Feuilles volantes, Hanvec, 1850
  • Guide touristique de la MAIF-Bretagne, 1967, page 127
  • Laurent Charles, Evolution du costume en Cornouaille Léonaise-Pays Kernevodez, 1970
  • Divers cahiers et feuillets manuscrits
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Remerciements

  • Informateur et référent de la danse : Gilles Le Goff
  • Coordination du projet et rédaction de la fiche : Gilles Le Goff, Michel Guillerme
  • Iconographie : Gilles Le Goff
  • Ecriture de la danse : Bernard Langlois
  • Participation à la captation : Yvette Le Stanc
  • Musique : Tristan Gloaguen et Gaël le Fur, Cédric Moign et Hervé Irvoas

Gavotenn vras en 1910 à Logonna-Daoulas.
Collection Gilles Le Goff

Rappel

La Commission danse de Kendalc’h tient à rappeler un certain nombre d’éléments qui prévalent à l’élaboration de cette  fiche de danse. Il en est strictement de même pour toutes les fiches à ce jour publiées. La version proposée dans une fiche de danse fait suite à une étude longue, profonde et sérieuse qui s’appuie sur des sources et témoignages fiables. Cette fiche qui se veut un témoignage intangible, valorise une version, probablement la plus répandue de cette danse. Mais tout naturellement, même si nous la considérons comme majeure, cette version ne peut en aucun cas se prévaloir d’être l’unique version, il peut exister des variantes, liées à l’époque de référence, les lieux, l’âge et l’implication des personnes qui ont été porteuses de cette tradition et qui nous l’ont transmise. Penser différemment, serait totalement contraire à l’éthique qui entoure notre action vis-à-vis de notre environnement patrimonial.