Fiche de danse

Monfarine de Brasparts

Terroir

Rouzig - Pays Bidar

Vidéos et musiques

 

Rédacteurs

Cette fiche est rédigée en 2010 par le référent lui-même (nommé par la commision danse de Kendalc’h) : Michel Cazuguel, originaire de Brasparts, et mise à jour en 2015. Le rédacteur a eu la chance de connaître et d’apprendre cette danse dans son adolescence, auprès des anciens qui l’avaient toujours pratiquée.


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Famille de danses

Monfarine/dérobée

Structure de la danse

Danse unique

Accompagnement traditionnel

Couple biniou/bombarde
Chant

Forme de la danse

Danse à Brasparts.
Collection personnelle.

Appellation

La Monfarine à la mode de Brasparts est aussi appelée « dérobée de Brasparts » ou encore « Dañs al laer ». Cette danse a été pratiquée jusqu’à la fin des années 1970 au bourg de Brasparts. Cette danse permettait à chacun de pouvoir entrer dans la danse par le jeu de la dérobée. On avait le droit de « voler » la cavalière qui nous intéressait, assurant ainsi beaucoup d’ambiance. Tout le monde se prêtait au jeu, ce qui expliquait qu’il y avait la plupart du temps plusieurs voleurs. On se faisait « dérober »  et on en profitait pour aller « voler » ou « revoler » la même cavalière.

Situation géographique et historique

Brasparts est un bourg situé â une vingtaine de kilomètres de Châteaulin et surplombé par le Mont Saint-Michel de Brasparts à la limite du pays du Léon et de la Cornouaille. Cette commune fait partie du terroir Rouzig et du pays Bidar.

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Zonne connue de pratique de la danse

Informateurs, témoignages et transmission

M.François Quelen (1914-2008), pharmacien à Brasparts et ancien responsable du cercle celtique de Brasparts dans les années 1950, a aidé les jeunes à bien maîtriser cette danse. Mme Marie Salaun (née Coz, 1899-1985) considérée comme une très bonne danseuse, fut de bons conseils ainsi que Mme Anna Martin (née Broustal, 1929), et M.André Moal (1933-2009). Mme Anna Martin et M.André Moal ont dansé au cercle celtique de Brasparts ; ce dernier étant aussi chanteur de Brasparts.
Cette danse, à la fin des années 1960 et début des années 1970, était surtout chantée par Yves Goff (1923-1991), du Favot, et son compère Paul Martin (1911-1986), du bourg de  Brasparts. Puis au début des années 1970, Guy Cazuguel (1952-) et Robert Le Crann (1953-) ont pris la  relève pour chanter cette danse. A la fin des années 1990, Jean Le Crann (1946-2008), auteur d’un mémoire sur une société  rurale dans la Montagne d’Arrée: Saint Rivoal au début du XXe siècle, a formé un groupe de chanteurs (Kanerien Sant Riwoal) pour reprendre les différents airs des danses pratiquées dans le pays de Brasparts / St Rivoal. Ce groupe continue le travail de Jean Le Crann mais a changé de nom pour s’appeler Paotred ar Riwoal.

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Marie Jeanne Quéau et sa famille.
Collection Jeanne Cazuguel
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Les chanteurs de Brasparts dans les années 1970.
Collection Michel Cazuguel

Occasion de danse

Cette danse était surtout faite pour permettre à tout le monde de participer à la fête. Les cavaliers qui n’avaient pas trouvé de cavalières pouvaient ainsi aller danser en dérobant une cavalière. Aujourd’hui, c’est une danse traditionnelle encore très prisée pour mettre de l’ambiance dans les  noces et même pour des danseurs novices.

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Monfarine
Collection Ghislaine Fur

Origine et famille de danse

Cette dérobée fait partie des monfarines. Dans son livre La tradition populaire de danses en basse Bretagne, Jean-Michel Guilcher note qu’il y a un rapport de parenté entre les monfarines bretonnes et les monférines italiennes. Un document de Frédéric Le Guyader (Noces Bretonnes au Pays de Cornouailles) parle de la monferine lors d’un mariage à Brasparts en 1860-1870. Cette danse, avec un ou des « voleurs», s’est pratiquée jusqu’à la fin des années 1970. Début 1990, cette danse est ré-enseignée dans le cadre de stages auprès des cercles celtiques ainsi que des associations de danses bretonnes.
Aujourd’hui, c’est une danse traditionnelle encore très prisée pour mettre de l’ambiance dans les noces et même pour des danseurs novices.

Forme et structure de la danse

C’est une danse par couples prenant la forme d’un cortège qui se déplace dans le sens des aiguilles d’une montre. Le cavalier est à l’extérieur. La cavalière (à droite du cavalier) donne le bras gauche au cavalier.
Deux parties dans cette danse:

  • Partie A (16 temps) - balade en pas marché
  • Partie B (16 temps) - les danseurs se mettent face à face et reculent pour se saluer puis font un tour complet avant de refaire un salut.

Notons que certains couples ne faisaient qu’un demi-tour, au lieu d’un tour complet, avant de refaire un salut. Cette façon de faire, qui n’était pratiquée que par quelques couples, n’est pas celle retenue dans cette fiche technique.

Technique de pas

Partie A : balade 16 temps

Le cortège se déplace dans le sens des aiguilles d’une montre en pas de marche en partant du pied droit.
Droit-gauche-droit-gauche-droit-gauche...
Sur les derniers temps, cavalier et cavalière ralentissent la progression et se mettent en position pour effectuer la figure.

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Partie B : figure 16 temps

Sur le premier temps, cavalier et cavalière se mettent face à face en se prenant main droite dans main droite tout en reculant d’un pas du pied droit. Cavaliers et cavalières ont le même pas.

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Temps 1 : Pied droit en arrière, le couple s’écarte l’un de l’autre en reculant sans se lâcher les mains (éviter les bras tendus).
Temps 2 :
Le pied gauche est ramené près du pied droit tout en commençant la surrection. On doit avoir l’impression qu’entre le temps 2 et 3 il n’y a pas d’arrêt.
Temps 3 : Surrection en demi-pointes pour se saluer (discret hochement de tête : le salut).
Temps 4 : Les danseurs redescendent à plat, toujours pieds joints.
Temps 5 : Danseur et danseuse se rapprochent en partant du pied droit. La cavalière et le cavalier se rapprochent avec une certaine énergie dans les bras pour avoir ainsi l’élan nécessaire afin de permettre la rotation du couple (dans le sens horaire et sur trois pas) sans précipitation.
Cette méthode évite au couple d’être obligé de « courir » pour revenir à sa position de départ avant le 2ème salut.
Temps 6 : Appui pieds gauches, cavalière et cavalier sont au contact en position de jilgodenn, avant-bras collés verticalement l’un contre l’autre, enroulement des mains en sens rétrograde. La rotation du couple a déjà commencé.
Temps 7 : Appui pieds droits qui achève presque la rotation, les bras se relâchent pour permettre à chacun de retrouver sa position de départ  (temps 1).
Temps 8 : Appui pieds gauches à l’assemblée (approximative) du pied droit pour terminer de se mettre face à face et se préparer pour à nouveau reculer du pied droit (temps 1).
Durant les huit temps suivants, le couple s’écarte à nouveau en reculant sur les temps 1 à 4 mais sans se tenir et avec un recul un peu plus important que la première fois (le fait de ne pas se tenir accentue le recul). Il est ainsi permis au «voleur» de passer au milieu du couple pour prendre la cavalière (voir la description du jeu de la dérobée ci-dessous).
Temps 9 :
Pied droit en arrière. Le couple s’écarte en reculant (se lâcher les mains).
Temps 10 : Ramené du pied gauche près du pied droit.
Temps 11 : Surrection en demi-pointes pour se saluer (discret hochement de tête : le salut).
Temps 12 : Redescente à plat toujours pieds joints.
Puis on se rapproche en même temps que l’on se tourne en direction du déplacement du cortège. Le couple se reforme en enchaînant la partie cortège.

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Le jeu de « dérobée »

Plusieurs possibilités existent, voici la plus courante. Un cavalier en surnombre, le « voleur », se cache derrière un cavalier qui danse pour ne pas être vu et réussir son coup. Quand le cavalier qui danse repart sur le temps 13 dans le sens de la marche, il avance rapidement pour passer au milieu du couple écarté et pour récupérer la cavalière, Il la « dérobe ». C’est le moment idéal pour le « voleur »: le cavalier ne pense qu’à récupérer sa cavalière. A noter que le voleur est  toujours à l’extérieur du cortège.

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Style

Le déplacement du cortège est franc avec la cavalière légèrement en retrait. La danse doit être enjouée, gaie. On doit retrouver dans l’enchaînement entre balade et figure une impression de continuité. Le salut doit être discret (pas d’exagération) tout en se regardant. Le tourné doit être vif (mais sans exagération) et c’est l’affaire des deux partenaires. La vitalité est partagée par le cavalier et la cavalière. Les bras sont bien tenus. C’est une danse où l’on doit retrouver le plaisir de s’amuser et de se détendre.

Variantes

Certains couples ne faisaient qu’un demi‐tour, au lieu d’un tour complet, avant de refaire un  salut. Cette façon de faire n’était pratiquée que par quelques couples.
D’autres couples, en ayant trop reculé pour le premier salut (on se tient par la main), faisaient le tour pratiquement en courant pour être en position pour le salut suivant.
L’air chanté par Yves Goff et son compère Paul Martin amenait certains danseurs à faire des petits pas sur le salut (temps 3-4 et 11-12). C’est une fioriture que l’on retrouve dans la partition recueillie par Polig Monjarret sur la Monfarine de Brasparts. Peu de danseurs se rappellent  avoir vu les cavalières faire cette fioriture.

Accompagnement musical

Le tempo oscille entre 120 et 130 noires par minute. Jusqu’aux années 1940, la dérobée a été accompagnée aux instruments (bombarde et biniou). On retrouve dans les documents de Polig Monjarret des airs de cette dérobée. Depuis les années 1950, elle est accompagnée par le chant en breton (kan ha diskan). Grâce au travail de recherche et de transmission de Jean Le Crann avec le groupe de chanteurs qu’il a formé (Kanerien Sant Riwoal), et par la mise en valeur depuis les années 1970 d’un chant de dérobée conservé et chanté par Guy Cazuguel et Robert Le Crann, a permis de maintenir cette tradition chantée. Remarque : Un air chanté par Yves Goff (originaire du Fayot en Brasparts) et son compère Paul Martin (bourg de Brasparts), aujourd’hui décédés, et que Jean Le Crann (originaire de Saint-Rivoal) a repris avec ses compères, présente une particularité : le refrain n’est pas en 8 temps mais 9. Cette particularité amenait certains anciens à faire des petits pas (3 à 4) sur le salut tout en repartant sur le pied droit pour continuer la fin de la figure.

Kanerien Sant Riwoal (piste 1 du CD)

Diwallit’ta, diwallit’ta, diwallit’ta da (a d’ho) vestrez ! (bis)
Eul luron ‘zo en dañs hag hennez a laero. (bis)

Laeret e neus, laeret e neus, laeret e neus da vestrez. (bis)
Eul luron ‘zo en dañs hag hennez ‘n eus laeret. (bis)

Pehini ‘ta, pehini ‘ta, pehini ‘ta vo da vestrez ? (bis)
Unan, unan a mo pe unan me laero. (bis)

Unan bleo du, unan blev gwenn, pe unan a vleo melen....
Unan bioc’h, pe unan, pe unan a vleo kreuz...
Unan vihan, pe unan koant, pe unan deus va zantimant...
Unan, unan a mo pe unan me laero. (bis)

Kavet am eus, kavet am eus, kavet am eus eur vestrez. (bis)
Unan am eus kavet, unan am eus laeret. (bis)

Guy Cazuguel et Robert Le Crann (piste 2 du CD)

Unan m’eus bet, unan am eus laeret
Diwallit ‘ta, diwallit ‘ta, diwallit ‘ta da vestrez (bis)
Unan am o, pe me a laero (bis)

Pehini ‘ta, pehini ‘ta, pehini ‘ta da vestrez...
Unan blev du, unan blev gwenn, pe unan blev melen...
Unan bioc’h, pe unan treuz, pe unan gant ar c’hein kreuz...
Unan am o, pe me a laero (bis)

Kavet em eus, kavet em eus, kavet em eus d’ur vestrez (bis)
Unan m’eus bet, unan em eus kavet
Unan m’eus bet, unan em eus laeret

Laeret em eus, laeret em eus, laeret em eus d’ur vestrez (bis)
Unan m’eus bet, unan em eus laeret
Unan m’eus kavet, unan em eus laeret

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CD de référence

  1. Kanerien Sant Riwoal - Chant

  2. Guy Cazuguel et Robert Le Crann - Chant

Les chanteurs de Brasparts dans les années 1970, Jean Le Crann mène la danse.
Collection Michel Cazuguel

Mode vestimentaire

Selon René-Yves Creston, le costume de Brasparts et de Loqueffret, bien que classé dans le groupe des modes Rouzig, se différenciait au XIXe siècle, en raison de l’influence des modes de la Montagne d’Arrée. Après les années 1850, les descriptions et les photographies faites des costumes de Brasparts, montrent des costumes de paysans apparentés au costume du pays Rouzik tant pour l’homme comme pour la femme. La guise féminine de Brasparts portée depuis les années 1860 comporte les mêmes éléments que celle portée dans le pays de Châteaulin : un tablier à bavette, un corsage et une jupe en drap noir, avec au bord des manches et au bas de la jupe une bande de velours. Un col en mousseline agrémente le corsage. La mode de Brasparts se différencie par un plastron dont le haut est arrondi et épinglé sur le devant du corsage et par une coiffe aux ailes rondes et relevées. Pour ce qui est du costume des hommes, ceux-ci portent un pantalon, une veste descendante jusqu’au bas des reins, avec une seule rangée de boutons, un gilet bordé de larges bandes de velours et une ceinture de mérinos bleue sans attache apparente. Sans oublier le chapeau en peau ou en feutre, de couleur noire avec de larges bords recouverts en partie de velours relevés sur les côtés. La calotte est serrée par un ruban de velours attaché à l’arrière par une boucle cuivrée ou argentée. Ce costume sera porté jusqu’en dans les années 1914/1918 et délaissé peu à peu au profit du costume citadin.

Ressources

  • Guilcher Jean-Michel, La tradition populaire de danse en Basse-Bretagne
  • Le Guyader Fréderic, Noces Bretonnes au pays de Cornouailles
  • Le Scouëzec Gwenc’hlan, Brasparts une paroisse des monts d’Arrée, Evolution du costume au pays de Châteaulin, Jos Le Doaré
  • Les cahiers de l’lroise, Archives départementales du Finistère
  • Penven Michel, François Joncour, son parcours en centre Finistère, Glaoda Millour
  • L’art du costume E-giz Bro Rouzig, production Kendalc’h Penn ar bed

Remerciements

Michel Cazuguel tient à remercier pour leurs conseils : François Quelen (1914 -2008), pharmacien à Brasparts et ancien responsable du cercle celtique de Brasparts dans les années 1950, Marie Salaun (née Coz, 1899 -1985), Anna Martin (née Broustal) et les chanteurs de Brasparts. Merci aussi à Ghislaine Fur et Christophe Le Guern pour la partie costume.

Mariage en 1919 de M. et Mme Cazuguel
Collection Jeanne Cazuguel
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Julienne Quéau de Brasparts La Forêt.
Collection Michel Cazuguel

Rappel

La Commission danse de Kendalc’h tient à rappeler un certain nombre d’éléments qui prévalent à l’élaboration de cette  fiche de danse. Il en est strictement de même pour toutes les fiches à ce jour publiées. La version proposée dans une fiche de danse fait suite à une étude longue, profonde et sérieuse qui s’appuie sur des sources et témoignages fiables. Cette fiche qui se veut un témoignage intangible, valorise une version, probablement la plus répandue de cette danse. Mais tout naturellement, même si nous la considérons comme majeure, cette version ne peut en aucun cas se prévaloir d’être l’unique version, il peut exister des variantes, liées à l’époque de référence, les lieux, l’âge et l’implication des personnes qui ont été porteuses de cette tradition et qui nous l’ont transmise. Penser différemment, serait totalement contraire à l’éthique qui entoure notre action vis-à-vis de notre environnement patrimonial.