Lieu d'expression

Des Modes Et Nous - Festival de la Saint-Loup Guingamp

Année

2015

Type de création

Création contemporaine - 1er prix

Rédacteur

Mathias Ouvrard - < Époque 2020 >
du cercle de Kerfeunteun-Kemper

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Les costumes Glazig

Les costumes du Pays de Quimper ont, comme partout ailleurs, été sujet à de nombreuses évolutions. Il est assez facile de s’en rendre compte sur les costumes de
mariage. On peut voir les coupes, les matières, les techniques et les ornementations se modifier au fil du temps et des modes.
Cependant certaines techniques ont perduré plus que d’autres ou ont marqué l’histoire du costume glazig, ce sont elles que j’aimerais expérimenter. Il serait un peu ambitieux de vouloir utiliser toutes les techniques qu’ont vu défiler le drap et la soie des vêtements traditionnels de Quimper.
J’ai démarré ma réflexion sur la base d’une photo d’un couple de mariés datant des années 1880 pour me focaliser sur les techniques qui m’intéressent. A cette époque, les coupes du terroir glazig sont encore très élaborées.

Quelles sont les caractéristiques des costumes de cette mode ?

Couple de Mariés de Quimper,
années 1880.
Collection Christophe Rochet.

Le costume femme

Les costumes de mariées de cette époque se composent d’un jupon, d’une chemise en coton ou d’une camisole en drap de laine, d’une jupe
ample et d’un « manchoù » ou corselet, également en drap de laine et d’un tablier en soie. Tous ces éléments sont décorés de rubans de soie ou de velours et de galons métalliques qui bordent (ou recouvrent) les coutures, mettant ainsi en valeur les coupes.
Les rubans de soie rebrodés de petits points de fils de soie ou de laine ne sont plus à la mode, et les perles ne sont pas encore au goût du jour, c’est l’âge d’or des galons métalliques.
La tenue est complétée par une ceinture, un scapulaire, une parure de cou, un ruban de mariée, un col et une coiffe.

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Corselet de mariée (dos)
région de Quimper. Vers 1880
Collection Musée Breton
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Corselet de mariée, (devant)
Edern.
Colletion particulière.

Les coupes

Je n’ai représenté que les patrons de la camisole et du corselet, la jupe et le tablier sont moins représentatifs des spécificités des coupes du terroir.

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Le costume homme

Les costumes des hommes réunissent une chemise, un pantalon, un « jiletenn » avec ou sans manches. La mode a déjà fait passer les manches de la veste sur le premier gilet, transformant celle-ci en un petit boléro, le « chupenn », qui complète la tenue. Les ornementations du costume homme n’évolueront pas énormément, seule la largeur des rubans de velours appliqués et les motifs de broderie vont prendre de l’importance.

Sur cette photo, le marié porte l’ancienne mode. Le « chupenn » possède toujours ses manches.

Marié de la région de Quimper, années 1870.

Les coupes

Les patrons décris sont à la « nouvelle mode ». Les manches sont fixées au « jiletenn » et non plus au « chupenn »

« Jiletenn »

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« Chupenn »

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Les constantes dans le costume

Le costume est la manière de s’identifer. Il sert à la fois à montrer son appartenance à une communauté et à se différencier des autres. Si la famille est aisée, elle le montrera sur les costumes de mariés en particulier. Il y a un autre principe qui rentre en compte à ce niveau, celui de la superposition de pièces vestimentaires. Pour les familles très aisées qui voulaient se distinguer, le costume de l’homme pouvait se composer de plus d’un « chupenn » restant tous visibles.
Pour le costume féminin il s’agit en général d’éléments factices. Le « manchou » est enrichi de faux revers aux manches et de fausses encolures sous le devant.

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Les matières et couleurs

Le drap de laine prédomine dans la confection de ces costumes, pour l’homme comme pour la femme. Si le noir est très présent pour le costume de la femme il n’est pas l’unique couleur utilisée. On peut trouver du bleu ou dans certains cas du blanc. Il n’y a pas de règles strictes. Le costume de l’homme, lui est en drap bleu, le « chupenn » pouvant être d’un bleu plus clair que le « jiletenn ».
Le tablier de la mariée est en soie (les soies brochées et lamées sont à la mode). Pour les décors, on utilise des rubans de velours noir.

Mariage de Perrine et Louis en 1892 Marié de Beuzec- Conq,
Mariée d’Ergué-Gabéric. Rare costume de mariée Blanc.

Les techniques

Le galonnage, pour le costume de la femme, consiste à appliquer des rubans de soie ou des galons métalliques sur les bordures des vêtements ou en suivant les coutures. Sur certains « manchoù » l’accumulation de galons était telle que le fond du vêtement en drap disparaissait quasiment.

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Devant de « manchou » Edern, Collection particulière.

Le velours piqué. Au début du 19ème siècle, les costumes d’hommes et de femmes se bordent de minces rubans de velours posés à plat et arrondis à l’aide de petits plis un peu grossier, au niveau des encolures. Avec les années ces rubans de velours gagnent en largeur et les plis se précisent.
On voit se développer la technique du velours piqué, qui perdurera jusqu’au premier quart du 20ème siècle pour le costume de la femme et que l’on trouvera encore sur les derniers costumes que les hommes porteront en pays de Quimper. Le velours est froncé puis chaque pli est fixé au niveau de chaque fil de fronce.
Selon moi, c’est la technique la plus spécifique associée au costume du terroir glazig.

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Plastron en velours de soie piqué.

Le drap de laine piquée. Cette technique n’est pas exclusive au Pays de Quimper mais y est très largement répandue. C’est un travail très long, réalisé principalement sur le « chupenn » des hommes. Elle passe très facilement inaperçue mais c’est elle qui donne sa rigidité au vêtement.

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« Chupenn » en drap de laine piqué (détail).

Les broderies. Elles sont multicolores et apparaissent à l’encolure et au niveau des poignets, elles font la liaison entre le velours et le drap. Un trait fin de chainette, chainette échelle ou de point kamm jaune souligne les autres bandes de velours.

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Broderies de plastron début 20ème siècle, collection particulière.
Broderies de plastron fin 19ème siècle, collection particulière.
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Pour finir, un tout dernier principe qui me parait capital, l’épinglage. L’épingle est restée le moyen de fermeture du costume féminin, notamment dans le pays de Quimper, jusqu’au dernier moment.

A ce propos j’aimerais attirer l’attention sur le port de l’épingle de pardon en pays glazig. La mode n’a pas duré aussi longtemps qu’en pays bigouden mais on peut quand même trouver des témoignages photographiques s’étalant sur une période d’une trentaine d’années.

Les constantes à retenir :

Pour le costume femme :
Matières : drap de laine, soie et velours.
Techniques : galonnage, velours piqué et utilisation d’épingles.

Costume homme :
Matières : drap de laine, velours et fil de soie.
Techniques : drap piqué, velours piqué et broderies.
Couleurs : bleu et noir
Ces différents éléments seront ma base de travail.




Une mariée de la région de Quimper, vers 1900, portant une épingle de pardon.

La démarche

La particularité des costumes de mariage breton est qu’ils ne sont pas destinés aux seuls jours du mariage, il s’agit vraiment d’un investissement pour la famille. Ils seront reportés à l’occasion d’évènements sociaux et religieux (pardons, mariages,…) afin de montrer son origine, sa richesse et son goût. Certains d’entre eux peuvent même être transmis (remis au goût du jour) et reportés par les descendants du couple. Ces vêtements sont très coûteux, il est normal de les « rentabiliser ».

Aujourd’hui encore, une robe de mariée coûte cher, il serait agréable de pouvoir en profiter plus qu’un jour dans sa vie. Pourquoi ne pas penser une tenue de marié(e) moderne qui puisse être reportée ?
Bien sûr, l’occasion de reporter une robe de mariée ne se présente pas souvent, mais, si comme à l’époque, la tenue est composée de plusieurs pièces vestimentaires, alors il devient possible, aujourd’hui en 2015, de reporter un élément de sa tenue de marié(e) indépendamment du reste.

Il me tient à coeur que les deux tenues soient identifiables au pays de Quimper. C’est l’occasion de développer un vêtement identitaire moderne. Une grande partie des coupes traditionnelles seront donc conservées et peu modifiées. Je m’attarderai plutôt sur les techniques qui les « embellissent ».

Choix des matières et des couleurs

Nous avons vu que les matières sont sensiblement les mêmes, pour les tenues femme et homme. Les couleurs, elles, peuvent variées, surtout chez la femme. J’ai donc décidé de réaliser toutes les pièces dans les mêmes matières, avec le choix du blanc cassé, une couleur neutre qui me servira de base pour mettre en valeur les techniques.

  • Drap de laine
  • Satin
  • Duchesse de soie
  • Organza de soie
  • Rubans de velours, blanc pour la femme et noir pour l’homme.

Techniques réinvesties

Le velours piqué : Pour la femme, le velours restera blanc cassé (je réserve le noir et le bleu pour l’homme). Mon but est d’attirer l’attention sur la technique de piqué. En révélant chaque point de piqure par une perle, on se rend compte de la quantité de points effectués. Sur la tenue homme je laisse à cette technique son allure traditionnelle pour mettre l’accent sur le drap piqué.

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Le galonnage : Cette technique est importante car c’est elle qui met en valeur la coupe caractéristique du dos du costume féminin. Traditionnellement les galons sont en métal et leur impact visuel risquerait d’occulter le travail de velours piqué. Tous les galons de la tenue seront donc réalisés en matière transparente pour atténuer un peu l’effet. Ce ne sont pas tant les galons eux mêmes qui sont importants mais plutôt leur utilisation sur le vêtement.

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Le drap de laine piquée : Cette technique est traditionnellement réalisée au fil noir sur drap bleu, et les point sont si petits qu’ils en deviennent presque invisibles. Le drap de laine blanc-cassé, est piqué au fil de soie teint en différentes intensités de bleu. L’oeil remarque ainsi les changements de couleur qui viennent des petits points et non de la matière elle même, les rendant ainsi plus visibles. Et c’est le piqué lui même qui donne au vêtement sa couleur bleue.

Le costume de la mariée

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La tenue est composée d’un manteau qui reprend la coupe du « manchou » traditionnel, d’une jupe en satin, d’un corselet sur lequel se concentre le travail de galonnage et de velours piqué/perlé et d’une sous-robe en organza, jouant le rôle de la chemise. La tenue est complétée par une coiffe et d’une paire de chaussures galonnées.

Le patron du manteau se base sur celui du « manchou ». La coupe est étudiée pour qu’il n’y ait pas de couture sur l’avant entre le haut et la jupe.
Le corselet est décoré de galons et de velours. Les galons transparents sont réalisés en fil nylon et rebrodés de paillettes également transparentes. Lors du fronçage du velours, on enfile une perle sur chaque point, la bande ainsi perlée est piquée sur le corselet. La robe du dessous est assez courte, en dessous du genou, elle dépasse de la jupe en satin. Elle se ferme sur le devant par deux plastrons. Les poignets, le col et le bas de la partie jupe sont bordés de velours et de satin, tout le reste de la robe est en organza.
La coiffe est un petit modèle de broderie sur filet. Elle est l’élément ayant survécu le plus longtemps, même après la disparition du costume.

Le motif décrit un vitrail gothique, représentant les traditions et les croyances de nos aïeux, il est partiellement recouvert de lierre. Le feuillage engloutissant les dentelles de pierre symbolise le passage de la vie traditionnelle à la vie d’aujourd’hui. C’est un message assez fort que seule la coiffe peut illustrer.

Le costume du marié

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Il est composé d’une chemise en organza, d’un pantalon à pont en satin, d’un gilet en drap de laine, d’un premier « chupenn » avec manches et d’un autre sans en drap de laine piquée ; bordés de velours. Une ceinture « gouriz » et des derbies bleues pour les chaussures.
Les « chupenn » gardent la coupe ancienne et sont réalisés dans le même drap blanc-cassé que le manteau de la femme. Ils sont piqués au fil de soie. La soie est teintée en plusieurs nuances de bleu et le piqué est dégradé. Le gilet de dessous est aussi en drap de laine claire, bordé de velours à l’encolure et son plastron est brodé dans les mêmes tons que le « chupenn ».

Nous avons l’habitude de reconstituer des costumes traditionnels pour la scène ou pour d’autres manifestations. Mais l’occasion ne nous est pas souvent donnée d’imaginer ce que pourrait être le vêtement identitaire d’aujourd’hui. Ce qui est indispensable si nous voulons faire de notre patrimoine vestimentaire un vestiaire vivant, toujours en évolution.
Merci à la confédération Kendalc’h d’avoir pensé à organiser ce concours. Il est une fabuleuse occasion de montrer la richesse des modes traditionnelles de nos terroirs, mais aussi une porte ouverte vers une mode bretonne contemporaine.
Mathias Ouvrard

L’élaboration de ce projet a été possible grâce à l’aide de beaucoup de personnes.

  • Merci à Jean Pierre Gonidec de m’avoir permis d’étudier des pièces anciennes du musée départemental breton et pour sa grande disponibilité pour répondre à mes questions.
  • Paul Balbous et Raymond Le Lann, pour le prêt de pièces anciennes, leur écoute et leurs conseils.
  • Christophe Rochet pour avoir partagé ses connaissances, des photos de sa collection personnelle et pour m’avoir permis de les utiliser.
  • Thomas Jean et Levenez Balbous-Petit pour m’avoir aidé à la réalisation des patrons de la tenue homme, pour leur écoute et leurs conseils.
  • La marque Bobbies pour le patronage et le montage des paires de chaussures.
  • Marcel Kerviel pour la réalisation d’un coeur et d’un passant en laiton ajouré pour la ceinture homme.
  • Isabelle Quintin pour la relecture du dossier, sa disponibilité et ses conseils.
  • Matthieu Bourdin pour m’avoir aidé à la mise en page du dossier.
  • Pauline Rannou et Jeremy le Nair pour avoir accepté de porter les tenues, pour leur disponibilité et leur patience.
  • Toutes les oreilles attentives au projet pendant ces longs mois.