Introduction
Ce dossier a été réalisé par les membres de la commission costumes FESTERION AR BRUG de Pluneret.
Lors de notre collectage de photos sur la commune de Pluneret, nous avons eu la chance de rencontrer Jean Le Port qui nous a confiés cette photo du mariage de ses grands parents paternels datant de 1905.
C'est cette photo, la plus ancienne collectée à ce jour par le cercle sur la commune, que nous avons décidé de prendre en référence et de présenter le costume qui était porté à Pluneret au début du siècle les jours de mariage et grandes cérémonies.
LA PHOTO rencontre avec une famille, une histoire
La famille LE PORT est une des plus anciennes familles de Pluneret ; dès le début du 17ème siècle, elle habite déjà à Bransquel, village qui se situe au sud de la commune près de la chapelle de Ste Avoye et de la rivière du Bono.
Jean Marie LE PORT, né à Pluneret (Bransquel) en 1870, agriculteur
& Marie Anne LE METOUR, née à Plougoumelen en 1877 mais habitant Pluneret (Linderf) en 1905
En 1905, quand Jean Marie et Marie Anne se marient, c'était encore un domaine congéable : les bâtiments appartenaient à la famille mais les terres (environ 25 hectares) étaient la propriété de la famille d'Aboville de Crach ; divers documents prouvent que Bransquel a toujours appartenu aux différents seigneurs qui se sont succédés ; exemple de ce changement de propriétaire en 1679 : "Le hameau de Bransquel en Plunéret, fut rattaché au Salo en 1679 à la suite d’un achat que fit René Marin de Moncan, aux héritiers de l’ancien Seigneur Sébastien de Rosmadec, seigneur du Plessis Josso".
Jean Marie et Marie Anne ont toujours vécu à Bransquel ; ils ont eu 6 enfants : Jean Mathurin en 1906, Clémentine en 1907, Jean Marie en 1910, Angèle en 1912, Joseph en 1914 et Mathilde en 1916. Seule Clémentine est restée célibataire alors que ses 5 frères et soeurs se sont tous mariés en 1936 et 1938 (les femmes en costume traditionnel, et les hommes à la "mod ker")
en 1936 en novembre 1938 (même jour - les 3 femmes portent un tablier identique)
Jean Mathurin & Jean Marie Mathilde Angèle Joseph
Jean Le Port, le petit fils que nous avons rencontré, est le fils de Jean Mathurin. Il est né en 1939 et n'a donc pas connu son grand père, décédé d'un accident en 1934. Il nous relate ses souvenirs d'enfance et notamment ceux qu'il garde de sa grand mère Marie Anne qui lui appris le breton. C'est elle qui l'a élevé lorsque son père fut prisonnier en Allemagne et que sa mère s'occupait de la ferme. Il se souvient du jour où il a vu son père pour la première fois à son retour de la guerre en 1944 ; il était alors âgé de 6 ans.
LE COSTUME DU PAYS D'AURAY / VANNES au début du 20ème siècle
Au début du 20ème siècle, ce costume était porté dans une cinquantaine de communes du terroir vannetais, avec quelques variantes selon les communes et les familles.
Ce terroir est délimité à l'ouest par la rivière d'Etel, au nord par les landes de Lanvaux et la forêt de Camors, au sud par le golfe du Morbihan ; à l'est par contre, la délimitation est moins nette : elle suit plusieurs rivières comme l'Arz du côté d'Elven.
Pluneret se situe au coeur du pays d'Auray, entre la rivière d'Auray (le Loch) et la rivière du Bono (le Sal) ; la commune est bordée par Sainte Anne d'Auray, Auray, Plougoumelen, Brech, le Bono, Plescop et Crac'h (à noter qu'en 1905 Ste Anne d'Auray et Le Bono n'étaient pas encore des communes : Ste Anne était une paroisse de Pluneret et Le Bono une paroisse de Plougoumelen).
Au début du 20ème siècle, le costume de l'homme était porté uniquement par les paysans, d'où son nom de "guskemant poezant - costume paysan". Par contre toutes les femmes le portaient à l'exception des bourgeoises. C'est le costume à petit col qui était majoritairement porté mais il côtoyait d'autres costumes comme :
le costume à châle (mouchèt kein)
: dans la région d'Auray certaines paroisses ou familles préfèrent le costume à châle, lequel révèle en général un niveau social plus élevé. (on le voyait sur Auray, Quiberon, Sainte Anne d'Auray et plutôt dans les communes côtières).
le costume Saint Pater
n
porté dans le faubourg de St Patern à Vannes et dans les communes de Plescop, Saint Avé et Meucon. Il est pratiquement identique au costume châle mais porté avec une coiffe à deux bardes, la "kornek", faite en gaze, sans dentelle ni broderie.
le capot de Pluvigner (kapuchon Pleuigner) , était porté à Pluvigner et Grand Champ ; c'était un capot de travail qui a rapidement laissé sa place à la coiffe "tri kint" ; il était porté avec un costume col.
le costume d'artisane était porté dans le quartier Saint Pierre à Vannes (près de la cathédrale).
Evolution du costume à col "tri kint"
Ce costume a été porté de 1880 à 1950, date de l'abandon du port du costume dans le pays d'Auray; Il a subi plusieurs évolutions pendant cette période ; en voici quelques unes :
- vers 1900, la coiffe a diminué et se situe au niveau des oreilles, c'est la mode des tabliers en soie moirée pour les plus riches.
- vers 1910 apparaissent les tabliers à petits bouquets brodés sur velours ou soie (broderie mécanique).
- vers 1920 apparaissent les broderies faites main (grands bouquets ou grandes guirlandes de fleurs caractéristiques du pays vannetais) ; la coiffe continue de diminuer, ainsi que la robe ; les dentelles sont de plus en plus brodées.
- vers 1930, plus de coiffe "tri kint", la coiffe est plus petite et n'a plus qu'un seul pli au milieu ; début également des tabliers à broderies découpées.
- vers 1940, mode des tabliers Richelieu très découpés (à la fin, on voyait à peine le tissu) ; les robes sont plus courtes ; début aussi des tabliers blancs, du perlage, sur les robes et sur les tabliers.
Ce costume de cérémonie n'était porté que très peu de fois : lors des mariages et des grands pardons comme celui de Sainte Anne d'Auray. Autrement, les femmes mettaient des robes aux tissus moins luxueux et elles avaient un autre costume pour le travail.
Description du costume du marié (gwiskamanteu er baotred)
Le costume de l'homme, costume dit "paysan" car il n'était porté que par les paysans, a peu évolué contrairement à celui de la femme (de 1880 à 1920 environ)
Dès la fin du 19ème, on ne retrouve plus la ceinture, et le pantalon à braguette remplace le pantalon à pont (brageu).
Après la première guerre mondiale, les hommes qui se marient en costume paysan sont rares ; ils ont presque tous adopté le costume de ville, ou l'ont fait progressivement (abandon d'abord de la veste, du gilet puis du chapeau qui reste l'élément abandonné en dernier).
La veste et le gilet (se ha jilet)
Certains éléments de la veste et du gilet sont conçus de la même façon : encolure en V, poches garnies de velours et haut col rigide.
Ces deux pièces de costume sont courtes et ne dépassent pas le haut des hanches. La veste ne ferme pas, il n'y a d'ailleurs pas de boutonnière. Elle reste ouverte permettant de bien mettre en valeur le gilet ; généralement la veste a 2 rangées de 6 boutons (7 sur la veste de Jean Marie le Port).
La veste est en drap mais le gilet peut être en tissu plus fantaisie (belle étoffe à motifs), voire même brodé dans la région de Vannes.
Pour le gilet et la veste, le velours de soie recouvre les poches, les revers et le dos du col. Ce sont des bandes de velours d'une dizaine de centimètres qui étaient utilisées.
On faisait des pliures dans ce velours quand on l'appliquait sur le tissu ; pour les poches, voici la façon de le plier (2 premières photos ci dessous) : seulement un tout petit carré n'était pas recouvert de velours; sa grandeur dépend de la largeur du ruban de velours utilisé et de la grandeur de la poche.
Le velours ne recouvre en réalité que la partie supérieure de la poche (elle est deux fois plus profonde)
Le pantalon (lavreg)
Avant 1850, les hommes portaient des bragou berr, puis des bregueu, pantalons à pont copiés sur les pantalons des marins : de couleur gris clair rayé de foncé ou gris foncé rayé de blanc.
A partir de 1900, les bregueu sont remplacés par des pantalons à braguettes, les couleurs restant les mêmes. Seules les communes côtières du pays d'Auray ont conservé ces bragueu jusqu'en 1920 environ. Ils sont confectionnés dans des tissus assez épais, sont longs et recouvrent les chaussures.
le chapeau (tok)
Il est en feutre que le chapelier fabriquait lui même à partir de laine de mouton ; il y rajoutait des poils de taupe, de veau, ou de lapin afin d'obtenir du feutre taupé, du mélusine ou de bleogat (poils de lapins).
Les chapeliers se procuraient leur matière première auprès des taupiers et des pilhotourion (chiffonniers). Par contre, les rubans de velours qui entourent le chapeau et les guides (gideu velouz hir) et qui tombent dans le dos proviennent de Lyon comme pratiquement tout le velours de soie à cette époque.
Ce chapeau, collecté dans une famille du Bono était porté seulement les jours de fête (la personne avait un autre chapeau moins luxueux pour les autres jours). Il a été confectionné à Auray chez le chapelier (tokour) GUHUR, rue du Belzic à Auray ; les guides mesurent 14 cm de large et 85 cm de long montrant que la personne qui a acheté ce chapeau était certainement aisée (initiales dans le chapeau : J T).
Les hommes sont généralement sans chapeau sur les photos prises en studio ; par contre sur les deux photos ci contre les mariés ont gardé leur chapeau à la main (mariages à Pluneret au début du 20ème) ; on remarque que les longueurs des guides sont différentes ; elles montrent la richesse de la personne.
Quand la photo est prise à l'extérieur, ils ont toujours le chapeau sur la tête.
la chemise et les accessoires
La chemise est soit à col montant soit à col arrondi (mode belle époque) portée principalement avec un noeud (noir ou crème) ; la cravate se généralise après 1910
Quand la photo est prise à l'extérieur, ils ont toujours le chapeau sur la tête.
Les hommes sont généralement sans chapeau sur les photos prises en studio ; par contre sur les deux photos ci contre les mariés ont gardé leur chapeau à la main (mariages à Pluneret au début du 20ème) ; on remarque que les longueurs des guides sont différentes ; elles montrent la richesse de la personne.
description du costume de la mariée (gwiskamanteu er merhed)
La robe (broh)
Les premières robes apparaissent vers 1850 mais se propagent surtout à partir de 1870. Elles sont noires ; toutefois, on retrouve des robes de couleur bleue ou verte jusqu'en 1908 (survivance du précédent costume qui était très coloré : période Lalaisse).
Broh d'ur skuberèz
Les robes de cérémonie étaient confectionnées principalement en alpaga, mérinos ou en soie pour les familles les plus aisées et agrémentées de bandes de velours de soie.
le buste de la robe :
Le buste est très cintré, doublé d'un tissu épais. C'est l'élément de la robe la plus compliquée à confectionner ; dans le dos, deux bandes de velours sont cousues en arrondi pour suivre l'emmanchure, en faisant des plis avec le velours.
Le devant est souvent moins soigné, cette partie étant cachée par le devantier du tablier. Il était plus ou moins recouvert de velours selon la couturière et la quantité de velours qu'elle possédait.
femme prise en photo de dos devant l'église de Pluneret